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18 novembre 2011

Chroniques de la favela : le crack

« Grand-mère, c’est être deux fois mère : après avoir élevé les enfants, il faut élever les petits-enfants. Et ça n'a rien de facile. L’âge pèse, l’argent manque, c’est une vie de chien. Et ça fait mal de voir la famille se laisser détruire par le crack.

Ce qui fait le plus mal, c’est de voir la mère et le père des enfants faire basculer leur aîné dans le trafic. Un gamin d’à peine 11 ans jeté dans cette zone pour financer le vice des parents, un gamin qui ne va pas à l’école, qui vit jour après jour au milieu des drogués à qui il vend leurs doses, qui n’a pas l’ombre d’une chance d’en sortir. Il n’a qu’un rêve, celui de se mettre plus tard à son compte, de devenir à son tour le boss du business.

Mais ils sont quelques uns qui ont décidé de changer le cours de cette histoire, d’aider eux-mêmes ce gamin à sortir de la misère, parce qu’il n’y a rien à espérer des autorités et que c’est une course contre la montre : s’il faut faire quelque chose, c’est maintenant ou jamais. La milice a d’abord expulsé les parents de la communauté, parce que c’est le seul moyen de sauver les enfants. Une association s’occupe de l’aîné, celui de 11 ans. La grand-mère s’occupe des deux plus petits, ceux de 7 et 9 ans, adoptés aussi par la pauvre communauté des voisins, parce que tous savent que le trafic est cruel, qu’il tue le jeune comme le vieux. La grand-mère se lève tôt, emmène les deux mômes à l’école, leur prépare le déjeuner. Quand vient la fin de la semaine, c’est au tour de la communauté de faire sa part, de donner à manger, de prendre soin des gamins.

Le trafic continue de jeter aux yeux sa poudre de perlimpinpin, c’est des disputes de chats et souris : pendant que les uns en sauvent de la dope, les autres font cadeau de leurs cailloux. Et les autorités n’attendent qu’une chose, que ça pète, les politicards ne viendront qu’avant les élections pour acheter des votes en échange de bricoles.

Cette grand-mère a déjà perdu deux enfants à cause du trafic, morts au combat contre la police, et maintenant la fille et le gendre. Elle est résolue à ne pas perdre les petits-fils, quitte à demander du soutien à ceux qui peuvent, sans attendre parce qu’elle sait que ses années sont comptées. Cette dame aux cheveux gris, qui ne sait ni lire ni écrire, a beau être fatiguée, elle se bat pour aider les petits-fils, elle rêve encore de pouvoir voir en eux des hommes d’honneur, travailleurs même s’ils doivent rester pauvres, mais loin des drogues. La communauté tente de lui donner un coup de main pour qu’ils n’entrent pas dans les statistiques de la criminalité. »

* * *
Ce texte, comme la précédente chronique de la favela, est la transcription d’un récit qui m’a été transmis par un habitant d’une favela de Rio.

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