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29 mai 2006

De l'arrogance, de l'éthanol et des cycles...

Si le récent voyage de Chirac au Brésil et au Chili a connu peu de retentissement dans les pays visités, il a été l’occasion pour les médias français de faire le point sur ces deux pays. Mais même si l’image du Brésil aux yeux du public français s’est élargie à la faveur de l’année du Brésil en France, les clichés — dont il n’est pas question de nier leur part de vérité — ont la vie dure.

Que le simple téléspectateur, bombardé d’informations en tout genre, n’ait qu’une vague idée du monde, cela s’explique. Quand il s’agit d’un spécialiste d’une radio francophone à vocation internationale, cela surprend. Et cela m’agace. Plus que les erreurs de jugement, que je commets comme tout un chacun, ce qui m’agace, ce sont les motivations de ces jugements. En particulier chaque fois que je sens sous le pronostic une pointe de mépris nourri d’arrogance.

Ainsi : « le véritable talon d’Achille du Brésil en matière de biocarburant réside surtout dans son manque de financement. La plupart des fabriques d’éthanol appartiennent à des familles ou des groupes qui n’ont pas les moyens de financer leur développement. Sans capitaux étrangers, de la part des banques ou des groupes énergétiques, le pays aura du mal à réaliser ses ambitions. »

S’il est vrai qu’à l’origine, comme à l’origine de la plupart des entreprises, les fabriques d’éthanol ont été familiales, qu’est-ce qui a bien pu motiver cette saillie sur l’impossibilité de financer leur développement ?

En cherchant un peu, ce journaliste, qui croit qu’il n’y a de développement possible qu’impulsé par les capitaux étrangers, aurait pu au moins découvrir que des producteurs autrefois familiaux sont désormais sous le contrôle de groupes étrangers, y compris français. En se libérant de ses oeillères, il aurait pu aussi comprendre que le salut ne vient pas nécessairement de l’étranger, qu’il y a des banques suffisamment puissantes sur place, une bourse pour attirer les capitaux, et un très grand groupe national dans le secteur de l’énergie prêt à augmenter ses investissements dans les carburants de demain.

À Jardinópolis, la petite entreprise familiale Crystalsev vient de mettre en service deux nouvelles unités de production et en construit quatre autres dans les États de São Paulo et Minas Gerais. La petite entreprise familiale Ipiranga, de Descalvado, construit une nouvelle usine à Icanga, dans l’ouest paulistano. La petite entreprise familiale Santo Antonio, de Sertãozinho, vient d’acheter un terrain à Uberaba où il va édifier sa troisième usine, un investissement de 300 millions de reais financé à 70% par la BNDES et son équivalent mineiro.

Au total, ce sont 89 projets d’agrandissement ou de création qui sont en chantier dans la région Centre-Sud, faisant passer les surfaces cultivées de 6,5 millions d’hectares à plus de 9.

S’il n'y a pas de doute à avoir quant à la capacité du Brésil à développer sa production d’éthanol, il y a en revanche d’autres questions qui mériteraient d´être posées, en particulier sur les rendements énergétiques nets et les risques générés par les efforts demandés aux surfaces cultivées et aux ouvriers qui les exploitent.

Des chercheurs travaillent à ces questions, il serait utile que les médias rendent compte de leurs travaux. Cela constituerait un garde-fou utile à un moment où l’emballement est tel qu’il rappelle les cycles anciens qui ont fait les bonheurs suivis de malheurs du Brésil tout au long de son histoire.

1 commentaire:

  1. Mon cher Francis, il faut vous y faire.

    Le Brésil n'est pas une puissance émergente, c'est le pays des "mulatas", de la samba et du "futebol". Point barre.

    Il ne peut s'en sortir sans l'aide des grands.

    Tout cela, ce sont des axiomes.

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