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01 novembre 2006

Les ailes de la colère

C’était fin septembre, deux avions s’étaient accrochés au-dessus de l’Amazonie. Les 154 passagers et membres de l’équipage du Boeing 737 de la Gol avaient péri dans l’accident, ceux du Legacy d’Embraer avaient survécu.

Depuis, l’enquête est en cours. À ce jour, il n’en est rien ressorti de définitif. Les pilotes nord-américains du Legacy se sont vu confisquer leurs passeports. Et les contrôleurs aériens exercent une sorte de grève du zèle depuis quelques jours, qui provoquent des retards de plusieurs heures pour la quasi totalité des vols intérieurs.

Raison de cette grève : la décision des contrôleurs de respecter les normes de sécurité. À rebours, cela fait froid dans le dos ! Chaque fois que j’ai survolé le territoire brésilien, ma vie était bien plus en danger que je ne le pensais...

Qu’en disent les parties prenantes diverses et variées ? Que le trafic a crû plus qu’ils ne l’imaginaient. Que la décision d’embaucher, prise il y a 3 ans par le ministère de la Défense, n’a pas été suivie d’effets. Que seule la moitié du budget alloué à ces opérations a été dépensée l’an dernier. Qu’il arrive fréquemment aux contrôleurs brésiliens de dépasser la norme internationale qui veut que chacun gère au maximum 14 vols simultanés. Que leur salaire est en moyenne de 2000 reais quand il atteint 7000 euros par mois dans certains pays d’Europe. Que de l’autre côté de l’Atlantique ils font des pauses toutes les deux heures et qu’ici c’est quand on a le temps.

Du coup, c’est la panique. L’on rappelle les retraités qui avaient été mis sur la touche pour incapacité, l’on ouvre à concours 64 emplois nouveaux — il faut environ 4 ans pour former un contrôleur, nous dit-on ! —, l’on modifie les routes pour alléger le centre de contrôle de Brasília, l’on interdit aux avions les plus petits de s’envoler et d’atterrir aux heures de pointe.

Ce soir, commence le pont du Jour des Morts. Dans les aéroports, la tension monte. Je pars ce soir pour São Paulo. En bus. Un bus dont on me promet qu’il partira à l’heure. Quant à savoir si c’est plus prudent, c’est une autre histoire. J’y reviendrai peut-être. Avec l’aide de Dieu...

15 commentaires:

  1. Les problèmes de contrôle du ciel se posent dans toute l'Amérique latine. Nous avons le cas ici aussi en Argentine ou ce contrôle effectué par les militaires est nul, le matériel n'est pas changé, les contrôleurs peu formés.
    Par contre, comme partout, l'argent est bien là. Il reste simplement dans quelques poches.
    Pour avoir récemment discuté de ce qui vient de se passer par chez vous, il se trouve que mon épouse travaille dans l'industrie, comme on dit, il est pratiquement certain que la faute revient aux contrôleurs.
    Mais ce n'est pas un problème de salaire. On ne compare pas plus le salaire d'un contrôleur brésilien avec ses homologues européens que tous les autres salaires, ouvriers agricoles compris. Les rapports sont les mêmes.
    La corruption d'une part, et la justice de l'autre sont les principaux facteurs de ce type de dysfonctionnement.

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  2. Voulez-vous dire, Patrick, que la responsabilité de l'accident incombe aux contrôleurs, selon les informations dont dispose votre épouse ?

    Sur les salaires, je me contente de rapporter les propos des responsables syndicaux. Cela étant, l'on peut tout de même tenter de comparer : 7000 euros en Europe, c'est beaucoup plus de pouvoir d'achat que 2000 reais au Brésil. De plus, la grille des salaires de la fonction publique brésilienne va très au-delà de 2000 reais, y compris pour des postes dont la responsabilité engagée est plus que limitée...

    Principaux facteurs de dysfonctionnement : corruption d'une part et in-justice d'autre part, le second étant intimement lié au premier ;-)

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  3. C'est une évidence, pour la responsabilité.
    Même si les radars anticollision n'étaient pas branchés.
    Quand les axes de circulation se croisent, les hauteurs de navigation sont imposées et par la réglementation et par les contrôleurs. Une autorisation de changer de plafond a bien été donnée au Legacy alors qu'il devait croiser la route du Boing.
    Mais tout cela n'a pas une importance capitale, pas plus que les salaires doivent en avoir sur la conscience professionnelle.
    C'est tout un système qui doit être revu.
    Maintenant, l'absence de justice, peut être bien sûr liée à la corruption, mais ce serait une erreur de penser que tout cela va de pair.
    On ne contrôle pas plus les appareils des contrôleurs que l'état des bus qui circulent, les obligations de maintenance, la formation du personnel.
    Je ne sais pas comment cela se passe au Brésil, mais ici en Argentine, lorsqu'on vend du matériel moderne et efficace à une entreprise d'importance ce sont d'abord les syndicats qu'il faut convaincre, c'est à dire engraisser, car tout le monde préfère du vieux matériel qui ne remet pas en cause ses compétences et ses capacités. L'excuse dans le cas d'un refus systématique est toujours là même : avec ces appareils il va falloir débaucher, on est trop. Même si cela est faux.

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  4. Bien des amis brésiliens pensent que de toutes les institutions du pays, c'est la Justice qui est la plus corrompue. D'où le lien que je faisais.

    Patrick, je pense, pour lire votre blog, que l'Argentine et le Brésil partagent beaucoup de problèmes. Ce que vous dites de la maintenance en Argentine, pourrait se dire du Brésil. Je serais un peu plus nuancé sur les syndicats. Il me semble, mais je peux me tromper, que les conditions historiques des deux pays sont un peu différentes sur le plan syndical. En particulier, le lien entre le péronisme et la CGT me paraît autrement plus fort et pervers que celui entre le PT et la CUT, même si Lula a été formé par le syndicat des métallos. L'influence des syndicats au Brésil me paraît moindre qu'en Argentine. Si des lecteurs ont une expérience de cette question, qu'ils n'hésitent pas à se manifester !

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  5. "Chaque fois que j’ai survolé le territoire brésilien, ma vie était bien plus en danger que je ne le pensais..."

    Bienvenue au Brésil.

    Mais ça c'est exact: "Bien des amis brésiliens pensent que de toutes les institutions du pays, c'est la Justice qui est la plus corrompue."

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  6. Oh relativisez le risque! Compte tenu de l'immensité du pays et du nombre incroyable de vols qui le sillonnent, vous êtes statistiquement 1000 fois plus en danger de mort sur le trajet qui vous mène à l'aéroport, par les rues et routes, que sur une transversale Rio-Belém...
    Cela dit effectivement, il faudra bien qu'on sache exactement ce qui s'est passé; mais croyez moi, en Europe c'est pareil: une grève du zèle des aiguilleurs et Roissy est paralysé!

    (RdG, Benjamin, veuillez noter ma nouvelle adresse... http://reacsdegauche.typepad.fr/reacsdegauche/)

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  7. Un bolge bien sympatique, trouvé par hasard en flanant sur Expat-Blog!

    Un grand bonjour depuis Madrid

    Nicolas et Nora

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  8. Des précisions sur le crash en Amazonie
    L'avion d'affaires Legacy, dont la collision avec un Boeing 737 a fait 154 morts au Brésil, avait reçu pour instruction de la tour de contrôle de voler à la même altitude que l'avion de ligne, selon le quotidien Folha de Sao Paulo se basant sur le décryptage d'une boîte noire. Selon le journal, le crash résulté d'une série d'erreurs humaines.

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  9. Eh oui, rdg a raison, les trajets routiers sont mille fois plus dangereux. Malgré tout, je suis rentré vivant ce matin de mon périple à São Paulo !

    Quant aux informations données par Patrick, elles se confirment d'heure en heure.

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  10. Et au Brésil, je dirais même 10.000 fois plus dangereux... Pour Belém on rajoutera encore un ou deux zéros^^

    Il était évident qu'il s'agissait d'un enchaînement d'erreurs humaines... mais vous savez, nous avons eu en France, dans un pays "civilisé" (second degré, je précise) et bien mieux équipé le crash du Mont Saint-Odile, à 15km de Colmar et des secours qui ont mis 4 h à arriver... et sont arrivés après les journalistes, laissant des survivants dans une nuit glaciale (-15°), dans l'épouvante et la souffrance.

    PS 2000 RZ cela fait environ 6 salaires minimum, non? Un contrôleur de l'aviation civile est loin de gagner cela en France....

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  11. Transcrit en multiple de salaires minimaux, il est vrai que 2000 R$, ça peut impressionner. Mais avec 2000 R$ à São Paulo, c'est la favela ou un squatt dans le Centro. Je ne pense pas que les contrôleurs aériens français vivent dans de telles conditions...

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  12. Et avec un ou deux salaires minimums, à S Paulo, c'est quoi, dans ces conditions?^^

    Ce qui se passe avec ce genre de techniciens très qualifiés, c'est que leur salaire leur donne surtout le "plano de saude", la retraite, etc.

    Leur fonction, c'est une "carte de visite"

    La plupart enchaînent un second travail bien plus rémunérateur dans le secteur informel...

    Je connais un flic de la PF qui enseignait à l'Alliance française de Belém, un autre qui organisait des voyahes touristiques autour de S. Luis, un agent administraif de l'INFAERO qui faisait la comptabilité de eux ou trois petites entreprises...

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  13. PS : pour ce qui a été dit plus haut, je pense que les policiers "estaduais" sont bien plus corrompus que les juges...

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  14. Avec un ou deux salaires minimums, c'est aussi la favela, une favela de catégorie inférieure, puisqu'il y a désormais une hiérarchie des favelas...

    Le second travail est en effet une pratique on ne peut plus courante. Sans parler du troisième...

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  15. Au moins, un contrôleur aérien ne doit pas être corrompu, je ne crois pas qu'il soit en mesure d'accorder des passe-droits^^

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