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25 décembre 2006

Le fardeau de l'honnêteté

Plus peuplée que Vitória, Cariacica est avec Viana la municipalité de l’agglomération qui souffre la plus mauvaise réputation. Des hommes et des femmes y paient chaque jour de leur vie une dette non réglée, un regard trop appuyé en direction d’une fille, l’honneur bafoué qui fait pousser des cornes. C’est dans une de ses favelas que, le 23 décembre 1989, le Père Gabriel a été assassiné. Il y a deux ans, entre Noël et Nouvel An, avec Marie-Thérèse et Bernard, sa soeur et l’un de ses frères, nous avons beaucoup parlé de lui et des circonstances de sa mort, jamais élucidées. Nous nous étions retrouvés à Port Lesney, village du Jura où Gabriel est enterré et dont l'un des anciens maires a longtemps été président de l’Assemblée Nationale.

C’est à Cariacica que s’est produit il y a un mois un événement peu banal, dont le héros malheureux est le gari Sebastião Breta, 43 ans. Un gari est ce qu’on appelle aujourd’hui un technicien de surface en France, où l’on a perdu l’habitude d’appeler un chat un chat. À Cariacica, dans son quartier, et aujourd’hui au-delà, tout le monde l’appelle Tião. La coutume veut qu’au Brésil on donne à chacun un surnom, du haut en bas de l’échelle sociale, roi du football ou président de la République compris.

Il y a un mois, donc, balayant une rue, Tião a trouvé une enveloppe contenant 12.366 R$ (environ 4.400 euros). Et l’a rendue à son propriétaire. Tião dit que, depuis, il porte le « fardeau de l’honnêteté ». C’est que, depuis que cette histoire a été contée au pays entier, il ne se passe pas un jour sans qu’on l’apostrophe dans la rue. « Ils le traitent de bourrique », raconte Antônio, le chef de Tião, qui en prend aussi pour son grade, pour avoir aidé à identifier le propritétaire de l’argent.

Tião est entré en dépression. À force d’entendre les moqueries qui l’accablent, il lui arrive de regretter n’avoir pas profité du coup du sort pour acheter une voiture que son salaire de 350 R$ (125 euros) ne lui permettra jamais d’acheter.

Malgré tout, il ne regrette pas totalement d’avoir été honnête. Grâce à son geste, il a pris l’avion pour la première fois. Une chaîne de télévision lui a payé le voyage pour venir témoigner sur les plateaux. Grâce à cette apparition sur les écrans, une clinique privée de Vitória traitera gratuitement une infection qui lui ronge la colonne vertébrale depuis huit ans.

Le propriétaire de l’enveloppe, Aílton Ronconi, lui a offert 1000 R$ (350 euros) et un an de vivres. Tião dépensera la récompense pour payer sa part du terrain où il vit depuis son arrivée dans la région.

Tião n’est pas le premier gari à devenir célèbre. Le premier d’entre eux, un Carioca, s’appelait Aleixo Gary. Devenu célèbre pour avoir donné un nom, son nom, à la profession. Mais ceci est une autre histoire.

1 commentaire:

  1. C'est plus fréquent qu'on le croit, l'honnêteté au Brésil. Et souvent l'apanage de ceux qui auraient bien des excuses à ne pas l'être.

    Moi, on m'a bien rendu un porte feuille contenant 470 réais en plus d'une carte de crédit, d'un billet d'avions et du carnet de fièvre jaune, portefeuille tombé d'une poche au Ver O Peso

    Sauf que la personne qui m'a couru après pour me le restituer n'a pas eu à le regretter: je lui ai laissé tout l'argent, moins 20 RZ pour grignoter et prendre le taxi.

    Au moins, Tião a eu des compensations, ce qui n'est pas toujours le cas.

    Une des raisons pour lesquelles personne de déposerait un portefeuille perdu à Belém, c'est la quasi certitude que c'est le bureaucrate de service qui empocherait le contenu, et le risque d'avoir des ennuis d'autre part.

    Cela dit... pour avoir fait un tel dépot en France dans un commissariat, j'ai eu toutes les peines du monde à faire marquer sur la main courante la somme que contenait la sacoche oubliée....

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