Pour des motifs administratifs dont le Brésil a le secret et qu’il serait fastidieux d’exposer, j’ai le droit de conduire pendant un mois. Dimanche de Pâques, j’ai donc pris le volant de notre petite auto, en direction de Alfredo Chaves, improbable petite cité au pied des montagnes.
Comme Felipe Massa n’a pas gagné le grand prix de Malaisie, la circulation ce matin est plutôt tranquille. Je m’efforce d’éviter les nids de poule pendant que notre nièce raconte par le menu à sa tante les mille manières qu’ont les propriétaires fonciers de la région de se débrouiller avec la loi qui les oblige à maintenir au moins 10% de forêt.
À vingt ou trente kilomètres du rivage atlantique, la route sinue gentiment entre les pains de sucre fuligineux et les prairies verdoyantes. C’est l’intérieur de l’Espírito Santo. Plus exactement, une de ses facettes.
Alfredo Chaves a été fondée par des immigrants italiens et allemands qui avaient d’abord choisi de s’installer plus haut, à mille mètres d’altitude, en quête de fraîcheur et de bonnes terres. Ils arrivaient par bateau, restaient dans une ville côtière le temps de s’acclimater, puis remontaient un fleuve. Faute de main d’oeuvre, l’Espírito Santo allait alors chercher très loin les pionniers dont il avait besoin. C’était la deuxième moitié du 19ème siècle et les rivières constituaient alors la seule voie de pénétration de ce qui était totalement occupé par la Mata Atlântica, la forêt vierge qui bordait le Brésil du nord au sud.
Celui qui nous reçoit va cahin caha vers ses quatre-vingt printemps. Autant dire que lorsqu’il est né, la région ressemblait plus à la contrée sauvage explorée par les premiers colons qu’à la petite ville d’aujourd’hui, qui partage avec une sous-préfecture du département de la Lozère la même façon de tromper l’ennui entre l’église, le bar et la télévision, un phénomème que d’aucuns baptisent pompeusement de mondialisation.
Pas plus que moi, vous n’échapperez aux clichés. Grand-père a les yeux bleus d’une grand-mère allemande et le sourire malicieux d’un grand-père italien. Personne ne semble savoir comment il a bâti sa fortune, mais tout le monde s’accorde pour dire qu’il l’a dilapidée en jouant, cachaça aidant. Il lui reste, malgré tout, un appartement à Guarapari et la vieille bâtisse où nous déjeunerons en famille. Parmi les invités, une jeune retraitée, infirmière qui bénéficie du généreux régime de retraite instauré par le régime militaire, met à profit son temps libre pour étudier la gastronomie dans une faculté de Vila Velha. Les plaisirs de bouche imposeront à la conversation le plaisir de ses digressions.
Digestion faite, nous montons vers Matilde, là où les premiers Italiens se sont établis. Cela ressemble à l’Auvergne, mais une Auvergne hérissée de chalets suisses, de vaches à bosse et de bouquets de bananiers. Ce que j’appelle la mondialisation heureuse.
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