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20 mars 2009

Brasília, ville du passé

Des quartiers de bœuf sanguinolents, telle a été la première vision d’Alberto Moravia, alors qu’il découvrait à travers un hublot d’avion l’immense chantier qu’était encore la ville de Brasília. C’était en 1960, Moravia faisait le tour du Brésil et confiait ses impressions au Corriere della Serra. Aujourd’hui encore, de n’importe quel point haut de la capitale brésilienne, on est frappé par les grandes taches rouges qui écorchent sa surface.

Un des principaux objectifs de la construction de Brasília était de donner une impulsion au développement de l’intérieur du Brésil, alors essentiellement peuplé le long d’une bande étroite qui suivait le littoral. Un objectif secondaire était d’écarter tout risque de soulèvement populaire qui aurait pu prendre pour cible les bâtiments gouvernementaux de Rio. Une sorte de fantasme post-haussmannien en quelque sorte. C’est ce que dit l’ami Carpiu, prof d’architecture à l’université de Brasília, grand connaisseur de la ville, où il vit depuis plus de 40 ans.

Carpiu est arrivé par la route, une fin d’après-midi de 1965, au soleil couchant, cet autre rouge qui embrase le plateau. Il ne lui a pas fallu longtemps pour décider qu’il ne quitterait plus Brasília. Pareil coup de foudre ne s’explique pas. Pour ce professeur d’architecture, Brasília est la plus belle ville du monde. Ce genre d’affirmation ne se discute pas. Chacun a le droit de se reconnaître dans un chef d'œuvre, qu’il s’agisse d’un opéra, une sculpture ou le plan d’une ville et sa réalisation.

Selon Carpiu, Brasília, c’est aussi le meilleur climat au monde, ni jamais trop froid, ni jamais trop chaud. Cela vaudrait bien les quelques gouttes de sang — saignais-tu aussi, Moravia ? — qui s´écoulent du nez les jours de grande sécheresse, à la fin du mois d’août.

Il est coutume de voir dans le plan pilote le dessin d’un avion ou d’un oiseau. Ville érigée au cœur du cerrado, cette savane brésilienne qui constitue l’un des biotopes les plus étonnants de la planète, Brasília est le fruit d’une gestation qui a duré près d’un siècle. L’axe monumental suit la ligne de partage des eaux du Planalto, le plateau continental. Les avenues qui croisent l’axe monumental épousent les courbes de niveau de la région.

Préjugés remisés, il faut flâner à l’intérieur d’une quadra, un carré de 300 m de côté, parcourir ses rues et ses allées arborées pour tenter de sentir la ville. La première à avoir été édifiée se prête idéalement au jeu. Tel immeuble — une barre, diraient certains — témoigne de la présence de Le Corbusier, source d’inspiration de Lúcio Costa et Oscar Niemeyer. Il faut flâner pour commencer peut-être à aimer Brasília.

On a souvent présenté Brasília comme la capitale futuriste du pays du futur. Sur le « pays du futur », on reviendra. Ce qui m’a donné envie de consacrer ici quelques lignes à Brasília, c’est la lecture d’un article consacré à Masdar City, « une utopie verte dans le désert », publié dans Le Monde. Brasília était une utopie carbone dans la savane. Conçue pour la bagnole, déjà embouteillée, cernée par des villes de banlieue hétéroclites en terme de développement, ayant négligé de valoriser efficacement les atouts offerts par son environnement, la capitale brésilienne apparaît aujourd’hui, 50 ans après le début de sa construction, comme une ville déjà dépassée, une ville du passé.

Le Brésil ayant au cours de sa relativement courte histoire déjà consommé 3 capitales, se lancera-t-il au cours de ce siècle dans la construction d’une quatrième ?

brasília

Si vous avez faim à Brasília

Le xique-xique est un cactus du sertão, c’est le nom d’un restaurant populaire de Brasília dédié à la cuisine nordestine. Inutile d’ouvrir la carte, demandez une completa et vous aurez de quoi rassasier 4 affamés. L’excellente carne do sol, une des meilleures du pays selon Carpiu, est accompagnée de riz, haricots, farinha, manioc, herbes et de manteiga na garafa, un beurre liquide dont le secret est jalousement gardé. Le Xique Xique rappelle que ce sont, en grande majorité, les ouvriers venus du Nordeste qui ont bâti Brasília.

Pour ceux qui n’aiment pas la viande, quelques restaurants servent du tambaqui, un délicieux poisson du bassin amazonien, qui a la consistance un peu grasse de la raie et de grandes arêtes faciles à écarter. Le tambaqui na brasa est servi avec des câpres et des légumes cuits à la vapeur, sur lesquels laisser couler un généreux filet d’huile d’olive.

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