Je ne sais plus dans quelle ville nous habitions, mais je me souviens qu’il y avait ce midi-là du foie de veau et de la purée de pommes de terre au menu. Une purée au centre de laquelle je creusais un trou pour que maman y versât le jus de cuisson. Il y avait dans la cuisine un vieux poste de radio, un poste à lampe que papa désossait, les dimanches où il pleuvait, pour en chasser les parasites. L’aiguille qui indiquait les fréquences, était bloquée sur Radio Luxembourg. Papa disait que c’était la station qui mentait le moins. C’était le 11 octobre 1963 et Radio Luxembourg venait d’annoncer la mort de Jean Cocteau et d’Édith Piaf.
À quelques dix-milles kilomètres et quarante-trois ans et quelques jours de là, le théâtre Carlos Gomes de Vitória est bondé. En toute hâte, em cima da hora, Lena a fait installer, à l’intérieur, des chaises en plastique pour faire asseoir le maximum de spectateurs et, à l’extérieur, un écran géant pour ceux qui malgré tout ne pourront entrer. L’enjeu de cet engouement ? Édith Piaf.
Ces quarante-trois ans, les crises et les guerres, les révolutions et les pandémies n’ont cessé d’encombrer les esprits, de les tournebouler et de les accabler. Comment se peut-il que si loin de France, des Brésiliens de tous âges assistent à Rio et dans les autres capitales du pays — Vitória hier soir, en clôture de son festival de théâtre — à un spectacle, pour l’essentiel un tour de chant de Bibi Ferreira, en hommage à Édith Piaf ? Comment se peut-il qu’ils reprennent en choeur les refrains d’une chanteuse d’un pays et de temps lointains que la plupart n’ont pas directement connus ? Cela tient-il aux mélodies, à travers lesquelles passe quelque chose d’un drame nommé Piaf ? Cela tient-il de ce drame en lequel tant de Brésiliens d’aujourd’hui peuvent se reconnaître ? Cela tient-il de ce drame qui ressemble à celui d’Orlando Silva, que nous a conté le spectacle d’ouverture du festival ? Il y a des questions auxquelles il vaut mieux parfois ne pas chercher à répondre.
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