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17 mai 2007

Gabriel Maire

O Divino - Gilbert ChaudanneBien que je ne l’ai pas personnellement connu, mais seulement à travers les témoignages de sa famille et de ses amis, je considère Gabriel Maire comme l’exemple vivant — vivant, malgré la balle reçue en plein coeur — et rare, trop rare, d’un homme ayant accordé ses actes au message du Christ, et ce dans un monde, celui d’aujourd’hui, où faux semblants et pacotille abondent en signes.

Arrivé à Vitória en octobre 1980, Gaby est né dans le Jura. Le lieu de sa naissance n’est pas un détail, quand on connaît de l’intérieur les Francs-Comtois, rétifs aujourd’hui encore à toute forme de centralisme, héritiers souvent d’une double culture chrétienne et anarchiste. C’est au frottement des paradoxes apparents que se forgent les caractères bien trempés, c’est à l’usage de cette dialectique que Gaby s’est construit, de sa naissance en 1936 jusqu’à son départ pour le Brésil.

Gaby n’est pas venu à Vitória en quête d’exotisme, fût-il religieux. Son choix résultait d’une réflexion patiemment menée. Il lui semblait que le Brésil, Vitória, et plus précisément sa périphérie, faisaient partie sur la carte du monde de ces lieux de frottement social où il était possible de porter haut la parole du Christ pour changer la vie, la vie terrestre, la vie présente, et pas seulement la vie d’au-delà la mort, la vie des faibles entre les faibles dont les corps et les coeurs s’accrochaient aux pentes rudes, incertaines, périlleuses des quartiers misérables de Cariacica.

C’était le temps des Communautés Écclésiales de base. Le temps de la théologie de la Libération. Gaby savait les risques encourus. « Je préfère une mort qui conduit à la vie, à une vie qui conduit à la mort », disait-il pour marquer sa détermination.

Le 21 décembre 1989, il est interviewé à la télévision. C’est le temps de Noël, les télévisions ont l’habitude de battre le rappel des fidèles dans les jours qui précèdent la célébration. Souvent, les paroles sont convenues. Gaby parle, explique le travail de l’Église au Brésil, son travail à Cariacica. Gaby désigne le mal. La corruption, la violence, le crime organisé ne sont pas le fait d’un mal abstrait qui rôderait dans les airs et parfois pénétrerait les esprits pour les détourner du bien.

Deux jours plus tard, un samedi soir, deux jours avant Noël, alors qu’il vient de quitter la paroisse Bom Pastor à Campo Grande, un quartier de Cariacica, et qu’il circule en voiture rue Carlos Lindenberg à Vila Velha, Gaby est assassiné.

En 1991, deux suspects de ce meurtre, Flávio Nascimento da Silva et Nilson Ferreira Celestino, ont été condamnés. Pour vol avec violences ayant entraîné la mort. Personne n’a jamais cru au motif de ce crime. Hier, presque vingt ans après les faits, le juge Pedro Valls Feu Rosa a rouvert le dossier. De fortes présomptions existent qu’un commanditaire est derrière l’assassinat de Gaby. Coïncidence ou signe que quelque chose change au Brésil, cette décision intervient au lendemain de la condamnation de l’un des commanditaires du meurtre de Dorothy Stang, à deux mille kilomètres d’ici, dans le Pará.

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