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10 août 2007

La grande famille brésilienne

Selon une tradition juridique française, qui remonte au droit romain, l'article 311-12 du code pénal énonce : « Ne peut donner lieu à des poursuites pénales le vol commis par une personne : au préjudice de son ascendant ou de son descendant ; au préjudice de son conjoint. » Cependant, un amendement récent exclut des bénéfices de cet article le vol lorsqu’il porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime, tels que des documents d'identité ou des moyens de paiement.

C’est en s’appuyant sur cette disposition nouvelle qu’une mère de famille lorraine a porté plainte contre sa fille de 14 ans, qui lui avait volé un chéquier pour financer une fugue à Marseille.

Certains voient dans ce lamentable fait divers un symptôme de la judiciarisation grandissante de nos sociétés. Je me demande si, sans nier ce mouvement, bien réel, ce n’est pas un coup de boutoir, un de plus, et sans doute non réfléchi, contre la cellule familiale et, au-delà, les sphères collectives. Bref, un pas de plus vers l’individualisation outrancière de nos sociétés.

Loin de là, à Managuá, Lula donnait, me semble-t-il, de l’immunité familiale une interprétation bien différente. Interrogé sur le cas Renan par des journalistes brésiliens, qui suivent le quinzième voyage officiel de leur Président à l'étranger depuis le début de cette année, Lula a fait cette déclaration, quelque peu alambiquée : « Tout être humain, tout Brésilien, 190 millions de Brésiliens, y compris vous [le journaliste], aura mon soutien parce que tous sont innocents jusqu’à preuve du contraire. » Si Lula rappelle à juste titre que tout citoyen est présumé innocent tant que n’a pas été établie sa culpabilité, il faut chercher ailleurs, peut-être du côté d’un droit romain élargi, la mansuétude dont il fait preuve à l’égard de son vaste entourage. Ce qui confirmerait que la société brésilienne constitue une grande famille. Désunie, certes, mais qui le plus souvent règle ses conflits sans passer par les tribunaux.

7 commentaires:

  1. Sur les coups de boutoir portés à la cellule familiale, je voudrais faire part de mon humble avis. Un nombre grandissant de parents sont perdus face aux crises d'adolescence de nos douces (?) têtes blondes. Fermeté? Mais voilà bien longtemps qu'on ne fait plus peur à un "ado"! Le priver? Pire: le corriger? Et c'est désormais les faits divers. La plainte est enregistrée et la machine est en marche... Le même flic qui stigmatisera le parent en détresse venu porter plainte contre son enfant, sera prompt à enregistrer la plainte de ce dernier contre le parent! Tout cela pour dire qu'on ne peut pas juger un cas pareil, faute d'avoir les tenants et aboutissants. Rien en revanche, comme tu le fais, ne nous empêche de trouver cette situation pitoyable.
    Je suis inquite quant à notre futur. La judiciarisation est un cancer galopant, et les liens les plus basiques de notre société s'effritent.

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  2. Je voudrais apporter une information supplémentaire sur le cas de cette adolescente "victime" de la plainte de sa mère (femme de ménage, celle-ci a subi des ponctions sur son compte équivalent à deux mois de revenus... et elle a d'autres enfants qui vont en souffrir)

    La mère avait déjà appelé "au secours" parce qu'elle ne pouvait "rien tirer de sa fille"; indifférence ou peu s'en faut des pouvoirs publics: la môme s'est retrouvée "placée sur liste d'attente" pour des entretiens pédopsychiatriques.

    A la suite de ce tour pendable, la mère a porté plainte tout en veillant à ce que sa fille soit défendue.

    Elle ne l'a fait "avec constitution de partie civile" sur conseil de son avocat que parce qu'ainsi il est alors IMPOSSIBLE LEGALEMENT au procureur de classer l'affaire comme c'est le cas dans 80% des cas, mais elle sait bien que sa fille, insolvable, ne pourra pas l'indemniser: seulement ainsi elle a la certitude d'un passage devant un juge pour enfant, donc un hypothétique espoir de saisie du problème.

    _______________

    Je vais laisser parler mon côté affreusement réac et citer mon exemple: à cet âge à peu près, j'ai volé mes parents, je ne sais même pas pourquoi, et ai gaspillé la somme,... et pas dans ces proportions (encore que c'était très significatif).

    Ma mère a délégué un oncle qui m'a foutu la volée du siècle, en veillant évidemment à cogner là où ça ne risquait pas de me rendre infirme ni même de me laisser de traces, puis il m'a emmené sur ses chantiers pour gagner comme manœuvre de quoi rembourser le montant de mon vol.(lever à 5h du matin pendant mes vacances de Pâques et montée 9 heures par jour de seaux d'eau et de demi sacs de ciment à un 4ème étage)

    La leçon a porté et jamais je n'ai eu envie de recommencer; en outre j'ai compris la valeur de l'argent. Merci maman, merci tonton. En 2007, des parents qui agiraient ainsi se retrouveraient traînés devant les tribunaux pour maltraitance!

    _________________

    Je connaissais aussi à Cayenne des gamins jetés à la rue, à 15 ou 16ans, par des parents désespérés.

    Les mômes étaient toxicos, pas pris en charge faute de structure et volaient toute la famille pour se payer leur came (jusqu'aux livres scolaires et vêtements des petits après les bijoux de la mère) . réponse judiciaire: "il n'y a pas vol entre parents et enfants, voyez avec les services sociaux" qui ne pouvaient ou ne voulaient rien faire (des brésiliens d'origine, vous pensez!)

    Alors les gosses dormaient dehors, serrures et verrous de la maison changés et armés, admis à "passer" deux fois par jour pour chercher de la nourriture et laisser les vêtements sales. Pour le reste... vols ou le plus souvent... prostitution pour se payer les doses.

    ____________________

    Autre cas: ce père de famille meldois d'origine tunisienne, brave homme travaillant très dur pour élever sa nombreuse nichée, parti à 6h30 le matin et revenu à 19H30) qui reçoit une convocation du collège: son gosse de 13 ans et demi sèche des cours, est insolent avec des adultes et bagarreur avec ses camarades.

    Retour à la maison, sermon énergique avec certainement une "volée paternelle".

    Le LENDEMAIN le môme se plaint à l'assistante sociale qui se précipite, et le père se voit convoqué par les flics et accusé de maltraitance.

    Il n'a fait ni une, ni deux. Retour au commissariat avec son fils et une valise.

    "on me dit qu'il faut que j'éduque mieux mon fils, j'essaye de le faire, on me traite comme un bandit et ça je le supporte pas; prenez le, avec ses affaires, mettez le dans un foyer et faites comme la loi le permet. c'est toujours mon fils, je l'aime, mais je ne sais pas quoi faire"

    Les flics appellent la PJJ, qui placent le môme dans un foyer 48h et c'est celui ci, en larmes, qui a supplié son père de le reprendre en jurant tout ce qu'on veut.

    Ca a marché grâce à des flics pas cons, un éducateur pas con, un juge des mineurs pas con, un foyer pas con.

    Une chance sur 10.000, quoi...

    C'est pas simple, d'élever des mômes.

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  3. Les commentaires de Philippe et Benjamin sont très intéressants, je ne connais pas vos âges.

    J´ai 35 ans et je me considère comme la génération de transition. Je m´explique, j´ai été élevé sévèrement par mes parents( surtout maman et je l´en remercie aujourd´hui ), avec des principes ( comment se comporter en société, le respect de l´autre et d´un autre côté des parents que je qualifierais de " cool ".
    J´ai jamais été un élève studieux,
    ils m´ont aidé à aller le plus loin possible et ont toujours respecté mes décisions.

    Quand je vois les gamins d´aujourd´hui, disons de 2 à 20 ans, c´est franchement pas génial au niveau de l´éducation.

    A l´heure actuelle, je vis au Brésil, compatriote et voisin de Francis. Cela fait 3 ans que j´y suis.
    Personnellement, j´étais pas très enthousiaste vis-à-vis de l´éducation des gamins français, mais je peux affirmer qu´au Brésil, il y a un certain effort à faire à ce niveau-là.
    Peut-être suis je "vieux jeu"?
    Je vais donner un exemple, il m´est arrivé de parler avec beaucoup de franchise envers les brésiliens, dénonçant une forme de protection exagérée en tant que parents, surtout venant de la mère. Des gamins qui n´ont jamais lavé de vaisselle de leur vie, traité et éduqué comme des machos.
    Bien sûr, tous les enfants brésiliens ne sont pas comme ça!
    Mais une bonne proportion.
    C´est vrai que je parle davantage des hommes.
    Des tas de jeunes de classe moyenne qui vont en prison pour trafic de drogue( ils préfèrent la vie facile, c´est tellement dur de travailler quand on a 20 ans!!! ).
    Et puis l´argent aidant, on sort rapidement de prison, le pire c´est qu´une fois sorti de là, ils se prennent pour des caids!
    Des fils à papa à la pelle!
    Bon j´arrête là!

    Je change de zone géographique, la Chine, à mon avis est un des pires pays à ce niveau là. Cette loi qui ne permet qu´un seul enfant, vont fabriquer des ptits monstres qui sont traités comme des "empereurs".

    Bref, je ne vois pas l´avenir d´un bon oeil.

    A+

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  4. L'expérience que j'ai de l'éducation des jeunes brésiliens est différente puisque ceux que je connais habitent dans une favela de Belém.

    C'est tout l'un ou tout l'autre: ou bien ils sont "tenus" de façon très stricte ou bien c'est l'abandon total.

    Mais la plaie, c'est la "fatalité" devant la sexualité précoce non protégée de surcroît: la tradition amérindienne (qui imprègne les mentalités) veut qu'on soit géniteur à 14 ou 15 ans, et elle perdure de façon implicite...

    sauf que dans la "selva" à cet âge on est adulte, on sait construire un carbet, chasser, pêcher, tenir un abattis.

    En "ville" on est à la charge des grands parents et parce qu'on a accédé soi même à la paternité, tout en étant dépendant, on ne supporte plus aucune remarque.

    Dur aussi de promouvoir les vertus de l'éducation quand elle est nulle dans ces écoles publiques de m... ou les profs pas payés des mois durant parfois gagnent davantage avec les sandwiches ou gâteaux qu'ils vendent sur la plage le week end qu'avec leur travail principal.

    Dur de promouvoir la valeur travail quand on gagne 25R$ par jour et que le dealer d'à côté en propose 100 aux ados pour "porter un paquet", et qu'il a l'intelligence d "dépanner" les parents quand la bouteille de gaz est vide, que le téléphone ou l'électricité risquent d'être coupés...

    Quand j'ai le cafard, je me dis que j'ai raté quelque chose avec mon fils adoptif qui refuse par atavisme de sortir de sa favela, et son petit emploi de rien du tout (deux salaires)
    Mais quand je vois qu'il a attendu d'avoir 23a pour procréer (un phénomène dans son quartier, on se demandait "s'il pouvait"), qu'il programme le deuxième enfant pour "après l'augmentation et seulement quand j'aurai fait la chambre pour les meninos" et que le seul soutien financier qu'il me demande est pour payer une école convenable à sa petite fille, des fois je me dis que non, je n'ai pas tout raté. Ca mettra deux générations au lieu d'une, c'est tout.

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  5. Ah... un détail (je relis la première phrase du billet de Francis) ... Le pater familias romain ne portait pas plainte contre sa descendance.

    Mais il avait droit de vie et de mort sur elle^^

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  6. Un droit de vie et de mort qui s'est appliqué, sous certaines conditions, jusqu'au Moyen-Age (Cf. Georges Duby), voire peut-être plus récemment encore...

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  7. Donc on n'aurait pas portée plainte contre cette môme... on l'aurait tuée.

    Réforme à proposer?

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