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20 août 2007

Perdre l’accent

La langue portugaise est une langue difficile à maîtriser. Mais quelle langue ne l’est pas ? L’américain et l’anglais, souvent confondus avec l’espéranto d’aéroport et catalogués comme faciles, sont en réalité extrêmement complexes. Sur ce point, la lecture du Wall Street Journal, la bible quotidienne des affreux capitalistes mais aussi l'un des journaux les mieux écrits, est édifiante.

Une des difficultés de la langue portugaise, mais aussi l’un de ses charmes, est son orthographe. Savoir placer le bon accent au bon endroit est un de mes délices préférés. Or, j’apprends aujourd’hui que le Brésil s’apprête à mettre en place une réforme de l’orthographe, qui verrait entre autres l’extermination du tréma et la disparition de quelques accents aigus ou circonflexes sur des mots où ils n’apporteraient rien.

Cette réforme ne sera pas la première. Par exemple, le portugais a perdu ses ph et th d’origine grecque, dès 1911 au Portugal et dans les années quarante au Brésil. Bien des années après, on trouvait pourtant encore bien des traces de ces h. Je me souviens de mon étonnement à la rodoviária de Rio, en 1982, lorsque j’avais vu affiché Theresina sur le pare-brise du bus que je devais prendre. Un instant, je m’étais demandé si c’était bien la capitale du Piauí où je me rendais ou une autre cité. La compagnie Itapemirim prenait son temps pour remplacer ses panneaux d’affichage...

Réformer l’orthographe d’une langue est encore moins facile lorsque celle-ci est partagée par huit pays. Une convention de la CPLP (Comissão de Países de Língua Portuguesa) stipule que dès que trois pays ont ratifié un accord, les changements s’appliquent à l’ensemble.

Votée par le Brésil en 2004, le Cap Vert en février 2006 et São Tomé e Príncipe en décembre dernier, la suppression du tréma doit donc s’imposer aux autres et, notamment, au pays dont la langue est originaire. Imaginerait-on pareille aventure si le Togo, le Canada et le Liban imposaient à la France la fin de l’accent circonflexe ?

Si l’on peut comprendre et trouver sensé de coordonner pareilles évolutions, l’on peut tout de même s’étonner qu’elles aient encore du sens. Le portugais du Portugal et celui du Brésil sont devenus à ce point différents que dans les organismes internationaux les documents officiels sont rédigés dans les deux idiomes. Et il y a longtemps que les éditeurs français indiquent que tel roman de João Guimarães Rosa ou de Autran Dourado ont été traduits du brésilien.

4 commentaires:

  1. J'adore les accents! En français, on parle souvent du circonflexe, et de son inutilité, mais ça approte des finromations importantes, sur l'origine du mot, permet de faire simplement des associations et même simplifie l'apprentissage d'autres langues!
    quant à la suppression du tréma, grâce à cette "merveilleuse" initiative, on ne saura plus s'il faut lire "50"("sinekwaineta" ou "sinekaineta") et "quente" ("kaineté" ou "kwaineté)...
    Il faudra s'en remettre uniquement à l'usage (comme en français, pour deviner si l'on peut ou non faire la liaison avec "h").
    Bon, c'est le progrès, mais on n'est pas obligé de tout aimer, dans le progrès...
    Bonne semaine!

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  2. je "plussoie", sur la différence entre portugais et brésilien, et je pense même qu'il faut dire que l'on s'exprime EN BRESILIEN.

    J'en veux pour preuve mon séjour à Coïmbra où j'étais pratiquement mieux compris quand je parlais français...

    Je "plussoie" également pour la dissemblance entre le "Globish" dont je reparlerai "chez moi" et l'anglais. Idem, il y a plus que des nuances, m'a-t-on dit, entre l'anglais et l'idiome parlé aux USA.

    Vous aussi, vous faites partie des martyrs qui ont un jour débarqué en car à Téresina, quêtant désespérément une molécule d'air surchauffé pour survivre?

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  3. Benjamin, j'ai eu la chance de débarquer à la rodoviária de Teresina en mars ou avril, pas à l'époque la plus chaude et surtout sèche de l'année. Cela étant, l'arrivée étant saisissante, une vraie cour des miracles !

    Mais je venais à Teresina pour une raison bien précise : y rencontrer le Gauguin du Piauí, un peintre français exilé là. Mais ceci est une autre histoire, que je conterai peut-être un jour sur ce blog.

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  4. Côté cour des miracles, ça n'a pas changé en six ans...

    Et je vous recommande d'y aller en septembre pour avoir une petite idée de ce qu'est l'enfer...

    Parlez nous de ce "Gauguin français" dont oncques n'entendit parler en France, ou presque...

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