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05 janvier 2008

Ensorceler la Cour

Bossu de mes deux ! Mais c’est que le Carnaval va arriver vite cette année ! Depuis le réveillon du nouvel an, les répétitions se multiplient à une cadence rarement égalée. Il est temps de se grouiller le cul : direction le gymnase Alvares Cabral où chaque samedi, une chaîne de télé locale, TV Capixaba (groupe Bandeirantes) présente en direct les écoles en compétition, trois heures durant.

Pour l’occasion, un botequim est installé au fond de la scène, où s’installent les invités de Ferreira, le présentateur chargé à bloc. Le rituel est immuable : ça commence par un joyeux bordel, où chaque petit groupe dans son coin, les chanteurs, les musiciens, les danseurs, les techniciens s’échauffent sous les yeux des spectateurs venus en famille, les supporteurs et ceux des écoles rivales qui garnissent le parquet et les gradins, une bière ou un instrument à la main. Ferreira tend le micro de l’un à l’autre, regarde la caméra droit dans son oeil de cyclope, annonce une coupure publicitaire, reprend la parole, interviewe un politicard de passage obligatoire. Et puis, presque sans prévenir, alors que tout le monde a trouvé sa place, d’un geste du maître de la batterie, ça démarre à tout casser. Difficile à cet instant de ne pas sentir un frisson parcourir le corps !

Saluba, Nanã, Deusa da Terra
Eparrei, Iansã
Orayê-yê o, Oxum, oba-xi, Oba
Odoyá a rainha do mar.


La voix chaude du chanteur de Independente São Torquato nous emmène en grand seigneur vers cette Afrique mythique qui n’existe qu’en Amérique, thème immuable de tant d’enredos.

Afrique, mère mystérieuse,
Magie, dans le roulement des tambours,
Ta race s’est répandue
À la recherche d’un nouveau monde.
Mères sorcières,
Gardiennes de la flamme de vie
Liberté née du ventre
Dans la lutte pour l’égalité.


On ne le dira jamais assez, les écoles de samba sont des écoles. Appelez-les écoles de la rue, écoles de la vie, comme vous voudrez. Il est dans leur mission de rappeler l’Histoire du peuple noir du Brésil. « Liberté née du ventre » fait référence à la loi dite du Ventre libre qui a affranchi les fils des esclaves nés à partir de sa promulgation (28 septembre1871) à la condition qu’ils servent le maître de leurs mères jusqu’à 21 ans, ou avec une indemnisation de l’État lorsqu’ils atteignent leur huitième année.

Vole mon aigle
Vole pour en finir avec l’apartheid.
L’Indépendante [de São Torquato] est paix et union,
Axé et foi sur sa bannière.


La danseuse la plus jeune n’a pas quatre ans. L’axé n’a déjà plus de secrets pour elle qui danse comme une sorcière aguerrie. Ces répétitions sont pour les enfants de moins de dix ans, qui n’ont pas le droit de défiler la nuit du Carnaval, l’occasion d’apprendre de leurs aînés la tradition et les secrets du samba, les pas de danse et la grâce du mestre-sala et de la porta-bandeira, les changements de rythme de la batterie.

Berceau de la fraternité
Le bonheur au quotidien
Fait surgir... dans le coeur
Art, culture et religion.
Brillante, la Lune apporte la joie
À cette fête dont je suis fan.
Louées soient les guerrières noires
Qui ont ensorcelé la Cour royale
En poussant leur cri de douleur.


En cette année de 200ème anniversaire de l’arrivée au Brésil du roi du Portugal et de sa Cour, fuyant l’avancée des troupes napoléoniennes, ensorceler la Cour royale en poussant des cris de douleur, il fallait oser ! Betinho Nascimento, le compositeur de ce samba, l’a fait et bien fait.

Vivement samedi prochain qu’on remette ça avec d’autres écoles !

2 commentaires:

  1. Francis. Je ne sais pas si tu connais une chanson que s apelle Samba do Crioulo Doido. Je suis sûre que tu l aimeras! C est l histoire du Brésil revue par un fou! Drôle de chanson.
    bs

    RépondreSupprimer
  2. Merci Maristela, je vais faire un petit tour sur YouTube pour essayer de trouver ce Samba do Crioulo Doido.

    RépondreSupprimer

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