« Cai fora, seu imbecil » a fait le tour des télévisions brésiliennes. De quoi s’interroger sur la traduction de « Casse toi, pauvre con ».
Je ne m’attarderai pas sur « Cai fora » pour « Casse toi », l’expression brésilienne intimant clairement l’ordre de s’éloigner. Ce qui m’occupe ici est plutôt l’incapacité, semble-t-il, à rendre justice au génie de la langue française, dont l’un des fleurons se trouve contenu dans l’expression « pauvre con ». Car il y a loin de « seu imbecil » au trait de mépris sexuellement connoté, rendu par « pauvre con ». Sans compter qu’un con n’est pas forcément un imbécile et réciproquement.
Ne voyant pas quelle meilleure traduction donner en brésilien, j’ouvre ici la boîte à idées, ne désespérant pas d’y trouver une suggestion à la hauteur de l’un des mots français polysémiques les plus originaux. Y a-t-il d’ailleurs une autre langue qui a porté sur ses fonts baptismaux pareille trouvaille ?
Si, en anglais, on pense assez naturellement à « asshole », qui a le mérite de rapporter à une cavité possiblement marquée au coin du sexe, force est de regretter que non seulement il implique un déplacement d’ordre anatomique qui manque à stigmatiser la femme en l’homme, mais qu'il est aussi dépourvu de la molle concision qui tient de l’oxymore phonétique, qu’offre le son un peu rond d’un mot un peu sec.
Je remercierais presque Sarkozy d’avoir braqué des millions de regards sur le con qui sommeille en chacun de nous, garçons — nul ne peut en effet prétendre avoir échappé à cette insulte, parfois même jetée à soi-même dans le secret du for intérieur —, si cela n’avait collatéralement révélé aux Brésiliens, comme à tant d’autres, le côté obscur de la force de séduction française dont l’essence prétend s’incarner dans la délicatesse et le raffinement.
26 février 2008
5 commentaires:
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Effectivement moi qui prétends connaître un peu le français et un tout petit peu le portugais, je peux attester que l'expression est intraduisible dans sa plénitude!
RépondreSupprimerD'ailleurs fort peu de Français savent ce qu'est à l'origine le "con"... en tout cas, plus aucun ado!
Et brassens dans sa légendaire chanson: "le blason" a rendu justice à ce détournement inconcevable.
Mais ami Francis, il faut compléter avec l'évolution de la langue politique française: le délicat "salope" employé récemment par un ami proche de notre président contre une femme qui avait refusé l'alliance avec l'extrême droite; "tocard", qualificatif dont a été affublé le maire de paris, de la part de sa concurrente.
Et Lula, apostrophé, hurle-t-il (bien protégé derrière une nuée de gardes du corps) : "viens le dire ici si t'es un homme! Descends de là pour voir!"
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Cadeau:
Le Blason (G Brassens)
Ayant avecques lui toujours fait bon ménage
J'eusse aimé célébrer sans être inconvenant
Tendre corps féminin ton plus bel apanage
Que tous ceux qui l'ont vu disent hallucinant.
Ceût été mon ultime chant mon chant du cygne
Mon dernier billet doux mon message d'adieu
Or malheureusement les mots qui le désignent
Le disputent à l'exécrable à l'odieux.
C'est la grande pitié de la langue française
C'est son talon d'Achille et c'est son déshonneur
De n'offrir que des mots entachés de bassesse
A cette incomparable instrument de bonheur.
Alors que tant de fleurs ont des noms poétiques
Tendre corps féminin' c'est fort malencontreux
Que la fleur la plus douce la plus érotique
Et la plus enivrante en ait de plus scabreux.
Mais le pire de tous est un petit vocable
De trois lettres pas plus familier coutumier
Il est inexplicable il est irrévocable
Honte à celui-là qui l'employa le premier
Honte à celui-là qui par dépit par gageure
Dota de même terme en son fiel venimeux
Ce grand ami de l'homme et la cinglante injure
Celui-là c'est probable en était un fameux.
Misogyne à coup sûr asexué sans doute
Au charmes de Vénus absolument rétif
Etait ce bougre qui toute honte bue toute
Fit ce rapprochement d'ailleurs intempestif.
La malpeste soit de cette homonymie
C'est injuste madame et c'est désobligeant
Que ce morceau de roi de votre anatomie
Porte le même nom qu'une foule de gens.
Fasse le ciel qu'un jour, dans un trait de génie
Un poète inspiré que Pégase soutient
Donne en effaçant d'un coup des siècles d'avanie
A cette vraie merveille un joli nom chrétien
En attendant madame il semblerait dommage
Et vos adorateurs en seraient tous peinés
D'aller perdre de vue que pour lui rendre hommage
Il est d'autre moyen et que je les connais
Et que je les connais.
à Belém, on entendrait plutôt: "seu burro!" ou bien "sem vergonha!"
RépondreSupprimerAh, mais il y a toute une gamme de variations subtiles: le petit con, le grand con, le jeune con, le vieux con, le brave con, le gros con, le sale con, et finalement le pauvre con, qui, contrairement aux autres, est par essence irrécupérable ;)
RépondreSupprimerVolker, je ne suis pas certain que le gros con soit récupérable. Je le vois mal se soumettre un régime ;-)
RépondreSupprimerJe trouve que le mot "babaca" est assez bien adapté. C'est en principe une insulte assez "forte" comparable à pauv'con. Son origine serait apparemment indigène et désignerait la même partie du corps que le mot con. En tant qu'ancien adolescent, je tiens à dire qu'il y en a encore, quelques éperdus, qui se prêtent à aimer Brassens...
RépondreSupprimeret qui donc n'ont pu échapper à la connaissance de l'origine du mot...
comme d'ailleurs les Amateurs de Marisa Monte savent probablement que le mot "chocolate", au Brésil, à au moins un sens caché ;)