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10 mars 2008

Dernières nouvelles de la senzala

L’utilisation d’esclaves africains au Brésil a commencé dans la première moitié du seizième siècle, les esclaves indigènes ne suffisant pas à la culture de la canne à sucre. La loi, dite Lei Áurea, y a mis fin le 13 mai 1888. Plus d’un siècle plus tard, il n’est pourtant presque pas de jour où la presse ne rende compte de la découverte de communautés de travailleurs dont les conditions de vie n’ont guère changé, même si les senzalas, ces bâtiments où l’on enfermait pour la nuit les esclaves, n’ont plus de barreaux aux fenêtres.

Ailleurs, si loin, si proche, dans le monde anglo-saxon, des entreprises prétendent travailler en bonne intelligence avec les syndicats, au motif que des salariés heureux sont plus performants. C’est le cas de la holding Yucaipa Companies, dont l’un des conseillers et actionnaires n’est autre que le mari de Hillary. Selon Wikipedia, « Yucaipa has also shown a commitment to labor relations in many of its investments. Worker friendly practices and a willingness to engage with unions have proven to be effective tools in Yucaipa's investment strategy. Yucaipa has recently branched out into Employee Stock Ownership Plans (ESOP), with the creation of the American Working Capital group. »

La stratégie d’investissement de Yucaipa, censée prendre en compte des pratiques respectueuses des travailleurs, semble avoir déraillé au Brésil si l’on en croit la Folha du 8 mars, relatant la découverte par des inspecteurs du travail de 1500 coupeurs de canne — encore elle, quatre siècles plus tard ! — condamnés à supporter des conditions d’hébergement indignes : nourriture insuffisante et immangeable, surpopulation dans les dortoirs, matelas rendus humides par les fuites des toitures, interdictions de sortir la nuit, hygiène des plus précaires...

Venus, pour la plupart, du Maranhão, du Piauí et du Ceará, ces esclaves des temps modernes avaient été embauchés par une entreprise enregistrée dans les Bermudes, en activité depuis un an au Brésil : Brenco. Du beau linge, un peu has been mais toujours bien pourvu, figure au tableau de ses principaux actionnaires : Henri Philippe Reichstul (ex-patron de Petrobras), Stephen Case (fondateur de AOL, remember ?), James Wolfensohn (ex-président de la Banque mondiale), le magnat indien Vinod Khosla et notre gros Bill, à travers le fond d’investissement Yucaipa Companies, du milliardaire, en dollars dévalués certes, et ami Ronald Burkle, l’un des principaux pourvoyeurs de fonds de la candidate de la gauche étatsunienne, actuellement en piste.

Contacté par la Folha, un des dirigeants de Brenco, Rogério Manso, a confirmé l’engagement de son entreprise à faire du développement durable et du respect de ses employés deux des piliers de sa fondation. Il y a, semble-t-il, loin de la présentation PowerPoint aux terrains du Mato Grosso et de Goiás.

3 commentaires:

  1. Bonjour Francis,
    Tu es invité à jouer un petit jeu, détails sous la tente.
    Mwah, je reviens te lire après le souper.
    Loula

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  2. Beau billet, Francis.
    Yeah right, la canne à sucre, tjrs la canne à sucre. Quand même fascinante que cette histoire. De la révolte des esclaves à Saint Domingue à Cuba, au Brésil. Depuis, le lobby sucrier n'a eu cesse de nous "enrober de sucre". Et nous continuons à en consommer sans nous poser la question, même chose pour le café et le chocolat. As-tu lu Compère Général Soleil de Stephen Alexis (Haïti), il y a raconte la misère de son pays et la rudesse d'une vie d'exil à travailler la canne à sucre.
    A chaque époque ses barons et l'histoire du sucre est intimement liée aux humains. Hier, l'Europe friande de mets sucrés, aujourd'hui la Chine, l'Inde et le Brésil en sont les premiers producteurs. Des puissantes familles comme les Fanjul de la Floride font la pluie et le beau temps. Le sucre est un tombeau ouvert invitant les masses à l'embonpoint et la mort lente. En fait, il n'y a pas que pour le pétrole que des complots se forment. On est loin de Thomas Clarkson.
    Loula

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  3. Félicitation pour ces "révélations" que je vais relayer.

    L'état du Para compte encore des milliers de travailleurs esclaves, et on n'en parle quasiment jamais... Il faut dire que beaucoup n'existent pas... faute d'état-civil.

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