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05 juillet 2008

En passant par Eu



Tous les 26 juin, Santa Teresa, joyau de notre Espírito Santo serti entre montagne et Mata Atlântica, à une heure de route de Vitória, fête ses origines italiennes. La chronique locale raconte que, en 1874, sont arrivés dans la région huit immigrants italiens appartenant au noyau colonial Comte d’Eu. Un groupe de colons baptisé du nom du Comte d’Eu ? Euh, ouais.

Eu, ça me fait drôle, ça me renvoie direct au plus profond du plus tristounet de mon enfance, une enfance heureuse au demeurant, du côté de certaines vacances passées lors d’un été pourri, mais vraiment pourri à rester certaines journées confiné dans l’espèce de maison annexe de la ferme d’un grand oncle de maman.
J’ai oublié le prénom de l’oncle en question. C’est tout juste si je me rappelle qu’il devait s’appeler Tavernier, un patronyme foutrement répandu dans les annuaires, même en cette lointaine époque où étaient rares les familles françaises équipées de ce gadget. Et que son fils était resté aveugle quelques années durant, suite à une vaccination qui avait mal tourné.

Bref, cela se passait du côté d’Eu, sans doute dans le triangle formé par Eu, Mers et Le Tréport, aux confins de la Normandie, la Picardie et la Manche. Et jusqu’à cette rencontre inopinée sur les traces des premiers colons de Santa Teresa, jamais au grand jamais je n’aurais imaginé retrouver ici le Eu de ce moment de mon enfance, un moment où j’ai soudain envie de m’attarder, ami lecteur. Ami, puisque tu as daigné m’accompagner jusque là, sur ces chemins qui fleuraient bon l’herbe grasse, le lait tiède et la bouse de vache.

L’oncle Tavernier cultivait des fleurs qu’il vendait au marché. Il élevait aussi des lapins qui sentaient la paille humide parfumée de crottes multiples et de fanes de carottes. Et pendant qu’il travaillait à ses marguerites et ses fauves aux dents longues, les jours où il ne pleuvait pas, nous allions, le paternel et moi, à pied jusqu’au Tréport, qui devait se situer à cinq kilomètres, ce qui nous prenait une heure, et qui est mon premier souvenir d’une estimation de ma vitesse de marche du haut de mes sept ans.

J’ignorais alors, à cette époque où j’avais acquis quelques rudiments d’Histoire de la grande Nation à laquelle j’avais eu le privilège d’accéder, heureux hasard de la ponte des enfants, j’ignorais alors, comme toi, ami lecteur s’il en reste, que le comté d’Eu avait pu compter au point d’inspirer les autorités brésiliennes du dernier quart du dix-neuvième siècle.

Mais, c’est que le comte d’Eu, Gaston d’Orléans, accessoirement petit-fils du roi de France et des Français, Louis-Philippe 1er, icelui déposé en 1848, avait joué un certain rôle, voire un rôle certain, dans l’Histoire militaire du Brésil, un rôle controversé qui le situait entre le vainqueur de la guerre contre le Paraguay et le chef sanguinaire, auteurs de massacres inutiles qui, aujourd’hui, valent le déshonneur des cours spéciales internationales du type de La Haye. Encore faut-il dire que Gaston était devenu le 15 octobre 1864 le gendre de Dom Pedro II, qu’il s’était plu au Brésil et qu’il y serait sans doute définitivement resté si la République n’avait pas été proclamée en 1889.

Aujourd’hui, Santa Teresa, comme le triangle Eu Mers Le Tréport autrefois, fleure bon l’herbe grasse, le lait tiède et la bouche de vache. Pourtant, Santa Teresa ne revendique aucun lien avec la Normandie, la Picardie ou même la France. Santa Teresa se veut italienne jusqu’au bout de ses racines généalogiques, ce qui est très exagéré, puisque la chronique locale raconte, ami lecteur qui n’aurait pas renoncé en chemin, que si d’autres Italiens ont, après le groupe baptisé en l’honneur du Comte d’Eu, été amenés par l’Inspection spéciale des terres et de la colonisation de la province, soixante familles tyroliennes s’y sont installées dès 1875. Et qu’en 1876, la communauté ainsi formée se voit renforcée par de nouveaux groupes d’Italiens, mais aussi d’Allemands, de Suisses et de Polonais.

La date anniversaire de la municipalité de Santa Teresa, le 26 juin, rappelle le tirage au sort de lopins de terre entre les premiers immigrants, venus du nord de l’Italie, intervenu le 26 juin 1875.

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