Chaque jour 3 ou 4 homicides en moyenne dans l’agglomération de Vitória. Grande Vitória, amer bilan. La routine. Quand on parcourt un journal local, on feuillette les morts violentes comme on feuillette les petites annonces. La routine. Depuis longtemps.
Il faut que l’on connaisse une victime pour que l’on prête attention à un fait divers. Ou que le mode opératoire soit particulièrement barbare. Ou parce que cela ne se passait pas dans une favela, mais dans un bairro nobre, comme disent les sociologues et les journalistes.
J’ai appris hier l’assassinat de DJ Popozão, alias Alex. Je le connaissais bien. Alex. Je savais qu’il faisait le DJ les week-ends. Alex a été notre porteiro pendant quelques mois. Un garçon sympathique, un peu enveloppé. D’où son surnom de Popozão. Le popozão, c’est un gros cul, un gros popotin. Popotin, popozão. Nous avions l’habitude de discuter un peu quand il me donnait mon courrier, quand je sortais ou rentrais dans la résidence.
Au printemps 2008, printemps de l’hémisphère sud, quand il avait beaucoup plu pendant des semaines de rang, une partie de sa maison en équilibre sur le flanc du morro du Romão s’était effondrée. Un jour ou deux après la naissance de son troisième enfant. Alex a mis femme et enfants au sec chez sa mère, a retroussé les manches et a reconstruit ce que les eaux de ruissellement avaient emporté. En quelques jours. Ce n’était rien, disait-il.
Alex était un garçon sympathique. Je l’ai déjà dit, je le redis. Et ambitieux. Son ambition : s'en sortir, améliorer son ordinaire. Il faisait le porteiro en attendant mieux. Parce qu’il avait besoin d’argent. Il lui arrivait de cumuler les emplois. Mais son truc, c’était de faire le DJ. Là sur le morro du Romão, en attendant mieux.
Il me parlait des trafiquants, de la violence. Il disait qu’il n’avait pas peur, qu’il restait en dehors de tout ça. Qu’il ne lui arriverait rien.
Rien, mais voilà. Il faisait le DJ dimanche soir dans un bar du morro du Romão. Le patron du bar, le Neco, 51 ans, vivait là depuis 20 ans. Il n’avait jamais accepté la présence des trafiquants. Jamais transigé. Récemment il aurait eu des mots avec un ado lié au trafic. Il aurait tiré en l’air pour lui faire peur.
Ils avaient décidé de le supprimer, le Neco. Ils ne le disent pas deux fois. Ils le font. Ils l’ont fait. Cinq balles. Deux dans le dos, une dans l’œil gauche, une dans le thorax, une dans l’épaule. La signature des trafiquants.
Alex est mort aussi. La police n’a pas encore éclairci l’affaire. Est-ce qu’il a été victime d’une balle perdue ? Est-ce qu’il s’était disputé avec un caïd du morro, un de ses affidés ?
Alex est mort. DJ Popozão dançou. Ça me fait tout drôle de te savoir mort. Ça me fait de la peine. Beaucoup de peine. Ça me semble terriblement injuste.
05 août 2009
2 commentaires:
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Votre article fait froid dans le dos. Les grandes villes brésiliennes paraissent invivables ; mais non, puisque vous vivez dans l'une d'elle depuis longtemps.
RépondreSupprimerBel hommage à Popozao qui aurait mérité autre chose...
Condoléances... Sinto muito
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