Il fut un temps où les Portugais, puis les Brésiliens, achetaient des esclaves africains pour les faire trimer dans leurs plantations de canne à sucre. Les temps changent ? Ce sont désormais les Brésiliens qui vont pouvoir traverser l’Atlantique et un peu plus pour s’installer au Mozambique et faire trimer les Mozambicains. Les temps ne changent donc pas tant que ça.
Le gouvernement de ce pays lusophone leur offre, en effet, une surface de 6 millions d’hectares sous le régime de la concession de 50 ans (rien que ça !), renouvelable 50 ans encore, moyennant un ridicule, pour ne pas dire symbolique, impôt de 37,5 meticais (10 euros) par hectare et par an.
À ce prix-là, pas étonnant qu’ils soient déjà 40 agriculteurs brésiliens à partir le mois prochain pour leurs nouvelles terres. Des terres qui ressembleraient, nous dit-on, à celles du Mato Grosso : mêmes sols, même climat, mêmes cultures. Carlos Ernesto Augustin, le président de l’Association du Mato Grosso des producteurs de coton ne cache pas sa satisfaction : « Le Mozambique est un Mato Grosso au milieu de l’Afrique, avec de la terre gratuite, sans trop d’emmerdements avec les lois de protection de l’environnement et des coûts de transport vers la Chine bien meilleur marché ».
Du côté mozambicain, le ministre de l’Agriculture, José Pacheco, est tout aussi enthousiaste : « Nous voulons refaire au Mozambique ce qu’ils [les Brésiliens] ont fait dans le cerrado il y a 30 ans ».
Qui seront ces agriculteurs brésiliens qui investiront au Mozambique ? Les Noirs des favelas ? Cela serait, d’ailleurs, un curieux retour sur le continent africain. Les paysans sans terre du MST ? Dans les deux cas, cela ne sera pas le cas, pour des raisons diverses et variées. La plupart des Noirs brésiliens ont été dégoûtés à jamais du travail de la terre et on ne peut que les comprendre. Quant aux militants du MST, c’est au Brésil qu’ils veulent travailler. Comment disait-on en France il y a 20 ou 30 ans ? Vivre et travailler au pays !
Les agriculteurs brésiliens (des individus éventuellement, plus probablement des entreprises) auront pour obligation d’embaucher 90% de Mozambicains. Le contraire aurait surpris, la clause est d’ailleurs, pour ainsi dire, superflue. J’imagine mal des Brésiliens émigrer pour travailler, contre un salaire de misère, dans les champs de soja, de canne ou de coton comme simple ouvrier agricole. Merveilleuse mécanique que cette néo-colonisation offerte sur un plateau par le gouvernement mozambicain ! Mais, pour José Pacheco, les Brésiliens seraient moins « colonisateurs » que les Européens, les Chinois ou les Indiens. Et ne parlent-ils pas la même langue ?
Des difficultés ? De l’avis même des Brésiliens tentés par l’aventure, il y a le problème foncier. Mais comment donc, puisque le gouvernement mozambicain leur offre 6 millions d’hectare ? Mouais, c’est pas si simple, nous dit un éditorialiste de la Folha de São Paulo, les hectares les plus fertiles appartiennent à des tribus et des généraux, suite à des accords politiques. Certes ils ont besoin de partenariat avec des producteurs expérimentés, mais la négociation pourrait faire l’objet de beaucoup de méfiance de la part des Africains. Gageons que la politique mozambicaine va être passionnante à suivre ces prochaines années ! Quant à l’indice de paix dont jouit le pays, le troisième meilleur sur le continent, il risque d’en prendre un sérieux coup.
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Ce qu’il faut savoir sur le Mozambique
22 millions d’habitants. Le portugais, langue officielle, et de multiples autres langues régionales (macondé, chona, tonga, chicheua entre autres). La monnaie, le metical. Un PIB par tête de pipe de 454 US$. 70% de la population au-dessous du seuil de pauvreté. Taux de croissance : 7,6% (moyenne des 5 dernières années). Position dans le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale : 126ème (Le Brésil est 127ème !).
Source : Folha de São Paulo
Votre encart sur les "Noirs des favelas" est complètement hors-contexte. Vous dites qu'ils devraient être dégoutés du travail de la terre ? Parmi tous les jeunes brésiliens qui vivent dans les favelas, combien ont travaillé dans des régions agricoles ? Presque aucun ! La moitié de la population des favelas a moins de 25 ans, dans des quartiers qui se sont développés entre 1970 et 2000 (soit jusqu'à leur 15 ans). Alors si on est fatigué par le travail de la terre que nos ancêtres faisaient, je m'exclafe ...
RépondreSupprimerTout à fait d'accord, presque aucun des Noirs des favelas n'a travaillé dans les régions agricoles.
RépondreSupprimerMais je ne vois pas où j'ai dit qu'ils sont "fatigués" (sic) par le travail de la terre.
Plutôt que de vous esclaffer, vous devriez vous souvenir de Zumbi, toujours vivant dans la mémoire collective des Noirs brésiliens.