Pages

Affichage des articles dont le libellé est france. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est france. Afficher tous les articles

30 mai 2019

Made in France

J’étais seul et je sirotais un cappuccino en terrasse. Je ne pensais à rien, comme souvent, si toutefois penser à rien signifie qu’on ne pense vraiment à rien. Une voix m’a tiré de mon vide intérieur, c’est-à-dire de la pauvreté de ma pensée faite de silences où flottaient des scories éparpillées. Maintenant que j’écris ça, je ne suis pas mécontent de ma trouvaille, qui me semble décrire d’une façon plutôt juste mon état d’esprit ce jour-là.
La voix de mon voisin, aigrelette et, malgré sa maigre musique, arrogante, m’a demandé ce que je buvais. J’ai regardé l’inconnu : un type ordinaire, ni jeune ni vieux, ni petit ni grand – mais il faut se méfier des gens assis – ni beau ni moche – mais sur ce point je ne suis pas un expert, rapport à mon intérêt quasi exclusif pour la gent féminine.
J’ai répondu, en le fixant droit dans les yeux, que je buvais un cappuccino. Il m’a demandé pourquoi je ne buvais pas un café bien français. L’inconnu commençait à me les casser. Je lui ai rétorqué que j’ignorais ce qu’il appelait un café français, vu que la France, à ma connaissance, ne produisait pas de café. Il a souri d’un sourire que j’ai senti supérieur et m’a éclairé sur mon ignorance. Un café français était un café torréfié en France, emballé en France et d’une marque française. J’ai eu envie de hausser les épaules, mais je n’ai pas osé, allez savoir pourquoi. J’ai tout de même tenté une diversion en lui faisant remarquer que, malgré mon mauvais choix de café, j’aurais pu être assis dans un Starbucks.
Nous étions en effet chez Poulaillon. Presque du Poulidor. Bref du Poupou. On ne pouvait faire plus français que Poupou. Le goût des deuxièmes places. Une modestie bien française. Il m’a cité Anquetil, Fignon, Hinault, j’en passe et des moins connus. Comme il semblait féru en matière vélocipédique, j’ai cru bon lui confier que j’avais pratiqué le cyclisme et que dans ma jeunesse, certes lointaine, j’avais rêvé de devenir professionnel. Il m’a toisé comme s’il me défiait, l’air de dire que je n’avais pas la carrure nécessaire, et puis il m’a lâché qu’il détestait le sport, mis à part le football. Peut-être voulait-il m’impressionner en se faisant passer pour un intello. Je m’attendais à ce qu’il me demande quel était mon philosophe préféré – j’étais prêt à lui dégainer du Nietzsche – quand il m’a demandé quelle était la marque de ma voiture.
Toyota, m’a-t-il répondu, vous n’avez pas honte ? Je croyais disposer d’un argument : ma voiture avait été assemblée à Valenciennes, grâce à M. Borloo. Toyota, prétendit-il, ça ne vaut rien, c’est comme Volkswagen, il n’y avait rien de mieux que Peugeot qui, c’était important, était franc-comtois.
La conversation s’est enlisée. Pourquoi ne me suis-je pas levé en les plantant là, lui et son café français ? Il a voulu savoir si j’avais voté pour des Patriotes aux européennes, ou tout au moins pour Dupont-Aignan, un vrai Français, ou Jordan Bardella, certes un Français de deuxième catégorie, mais un fidèle lieutenant de Marine Le Pen. Rien que pour le titiller, j’ai prétendu avoir voté pour le parti animaliste, croyant le perdre un peu. Mais il savait parfaitement ce qu’était le parti animaliste. Il m’a fait tout un laïus sur le risque que je prenais à ne pas manger de viande, sur les carences qui devaient me miner de l’intérieur, sans compter la perte de virilité qui devait affecter ma libido. J’ai commencé à le trouver sympathique. Tenir pareil discours, aussi ridicule que dénué de tout fondement, rassérénait mon for intérieur. Après tout, je me sentais supérieur à lui, malgré l’arrogance qui exsudait de cet inconnu. Je lui ai décoché quelques flèches : j’étais juif et néanmoins bouddhiste, j’avais longtemps milité dans un groupuscule internationaliste d’extrême-gauche, j’étais fan du Real Madrid, j’étais marié à une Brésilienne, j’avais cinq enfants éparpillés sur les cinq continents, cinq enfants que j’avais conçus avec cinq femmes de cinq races différentes. Sur ce dernier point j’avais exagéré parce que, en vérité, je n’avais que quatre enfants, le cinquième étant mort en couches. Mais je n’avais plus rien à faire de la vérité, je tenais une sorte de revanche, même si elle n’était en grande partie qu’exagérée. Une vérité exagérée, en somme, mais ma vérité.
L’inconnu s’est levé, il était plus petit que j’avais imaginé. Et il s’est présenté : Detlef Müller, il ne vivait en France que depuis six ans, il était ostéopathe, s’était formé dans son pays d’origine, la Roumanie, mais il aimait la France depuis toujours, il avait été un fidèle supporter des Bleus, depuis Zidane et jusqu’à Mbappé, il aimait la France et était prêt à mourir pour elle, il était marié avec une Marocaine prénommée Malika – véritablement une Reine – qu’il avait rencontrée trop tard pour envisager de lui faire des enfants.
Puis il s’est rassis et a commandé à Clémentine, la jolie serveuse de Poulaillon, deux expressos.

17 août 2018

Benalla, Crase et compagnie

Chers amis, ne serait-il pas temps de mettre la pédale douce sur ce fait divers, désormais qualifié d'affaire Benalla-Crase, et de concentrer notre travail d'enquête sur des sujets autrement plus importants, comme vous savez si bien le faire ? En effet, à quoi bon attaquer M. Macron sous cet angle des plus anecdotiques.

Notre président est sans nul doute possible notre meilleur chef d’État depuis, à tout le moins, la Révolution française. Certes il pourrait mieux faire, notamment pour tout ce qui touche à la transition énergétique, mais force est de reconnaître qu'il s'attache, avec une énergie remarquable, aux nécessaires réformes à entreprendre pour moderniser notre société et tenter de remettre la France sur les rails du progrès, alors que ses prédécesseurs n'avaient de cesse que d'accompagner le déclin de notre pays.

Respectueusement,

Francis

27 février 2014

Il ne s'agit pas de se rouler une pelle

Depuis un certain temps, en fait un incertain temps, il semble devenu de bon ton de se faire prendre en photo en train de sceller un selinho, un bisou superficiel où l'on se contente d'effleurer les lèvres l'un de l'autre, une mode plus marquée encore lorsque les deux protagonistes sont du même sexe. Depuis quelques mois, voire plus, depuis que cette mode a pris, relancée par une comédienne d'âge respectable, Hebe Camargo, même le quotidien Folha de São Paulo, qui se prétend au service du Brésil, ne cesse de nous offrir des selinhos à gogo.

Se coller les lèvres, sans ouvrir la bouche, sans rouler une pelle, serait devenu un acte politique face aux attaques des députés évangéliques, Marco Feliciano en tête, contre l'homosexualité. Ce qui explique sans doute pourquoi notre journal au service du Brésil nous livre chaque jour son selinho... Dans les journaux britanniques, les plus vendus en tout cas, la deuxième page était – est encore ? – consacrée à une photo de nu, féminin, exclusivement féminin. Acte politique, qui ne disait pas son nom, qui voulait marquer la supériorité du genre masculin sur le genre féminin ?

On se perd en conjectures – non, ce n'est pas un gros mot ! En revanche, l'origine de selinho est tout à fait claire : diminutif de selo, qui signifie sceau, mais aussi timbre postal. Pouvoir de la métaphore.

D'ailleurs, d'Ouganda par exemple, on se rend compte à consulter les journaux, en ligne en première ligne, que les affaires sexuelles occupent beaucoup ces temps-ci au point de devenir publiques et donc politiques. Que l'interdiction de l'homosexualité ou de la fellation par tel ou tel président, démocratiquement élu ou pas, pourrait presque se transformer en casus belli. Ne peut-on pas laisser les Ougandais décider eux-mêmes ? Faut-il rappeler qu'il n'y a pas si longtemps des cantons suisses refusaient le droit de vote aux femmes. Quel rapport ? C'est à chaque peuple de faire évoluer sa mentalité et ses pratiques, au rythme où il le souhaitera, mon bon monsieur, ma bonne dame. Le contraire ne peut être que contre-productif, nous dit Trissa Traoré, vice-président de la Fédération internationale des droits de l'homme

Mais revenons un instant aux baisers, soit dit en passant moins universels qu'il n'y paraît, si le selinho peut se traduire sans grand dommage en français par bisou, il semble qu'il n'y ait pas en portugais, du moins au Brésil, d'expression équivalente à rouler une pelle. Nous nous contentons du quasi anatomique beijo de lingua ou linguão.

Cette semaine, une affaire a secoué les réseaux sociaux brésiliens, sur Face comme on dit ici. Un numéro de France Football titrant Peur sur le Mondial a servi de caution douteuse aux activistes brésiliens de droite pour tenter de faire porter la responsabilité de tous les problèmes du Brésil à Lula, Dilma et plus généralement au PT. À partir des articles de la vénérable revue française, les auteurs de ce fake ont établi une liste de griefs, certains réels, d'autres de grossières exagérations et des inventions. Le plus drôle, c'est que certains lecteurs brésiliens lisant cela s'en prennent aux Français dans leurs commentaires, rappelant en premier lieu qu'ils puent, qu'ils jouent au football comme des pieds nickelés ou encore qu'ils ne sortiront pas vivants de la crise que connaît l'Europe. Encore heureux qu'ils ne savent pas que les Français qui se roulent des pelles, c'est une horreur !

05 février 2014

Être français, être brésilien ?

Qu'est-ce qu'être français ? Dans son roman, Le Projet Fanon, l'écrivain nord-américain John Edgar Wideman propose une réponse :
« En toute justice, tous les Français, toutes les Françaises ne se ressemblent pas. Tous les cinglés ne se ressemblent pas. Peut-être. Il y a des Algériens français et des Français algériens. Pieds-noirs. Harkis. Bébés de sangs mêlés devenus adultes et petits bâtards qui ne savent pas qui ils sont. Musulmans français nés en Europe. Juifs français nés en Éthiopie, au Liban, à Chicago, Sénégalais, Indochinois, Français marocains qui se sont battus pour ou contre l'empire à Diên Biên Phu. Guérilleros métis franco-tunisiens qui ont combattu aux côtés des Palestiniens contre les Israéliens. Israéliens français, Arabes africains français qui ont appartenu au FLN avant d'émigrer et de s'installer dans les faubourgs de Paris ou en Mayenne, de tomber amoureux, qui sait, et d'élever une famille française qui a produit une génération de Suisses sénégalais, de Philippins guadeloupéens, de Bretons viêts, etc. Qu'en est-il de la mulâtre martiniquaise qui arrive à Nice après dix années passées dans l'administration française au Togo, où elle a épousé un Congolais et dont le fils épouse une Niçoise blonde dont un parent est suisse allemand et l'autre russe avec des ancêtres afghans. Quel genre de Français ça fait, ça. »
Deux remarques. D'abord, que l'on pourrait écrire la même chose des Brésiliens, à quelques détails près. La mention de conflits serait moins prégnante, a priori. Les exemples seraient différents, mais sur le fond ça ne changerait rien. Ensuite, que dans leur très grande majorité les Brésiliens sont loin d'imaginer les Français, ou les Européens en général, comme le produit d'autant de métissages. Parce que, quelque part comme on disait il y a vingt ou trente ans, ça ne colle pas avec la représentation qu'ils ont d'eux-mêmes, produit réussi de nombreux métissages, dont ils voudraient avoir l'exclusivité.

18 juillet 2013

Névrose

Dans sa préface des Damnés de la terre, de Fanon, Sartre écrivait : « La France, autrefois, c’était un nom de pays ; prenons garde que ce ne soit, en 1961, le nom d’une névrose. »
Nous (en) sommes en 2013, la guerre d'Algérie est finie depuis belle lurette, et pourtant la question se pose encore. Dans un autre contexte, sans doute. Mais chaque jour qui passe, nous nous approchons de la réponse. Et c'est à dégueuler.

Et puisque nous sommes en 2013, faisons comme l'ami Bahia Flâneur qui a bifurqué, une fois n'est pas coutume, vers Le Soir de la (encore un peu) libre Belgique pour retrouver un peu de l'air qui manque à la France, non seulement névrosée mais aussi nécrosée, et déjouer la censure qui y est faite à l'un des rares journaux auxquels je suis, par ailleurs, abonné.

04 juin 2012

Résultat du premier tour des législatives

Pour la deuxième circonscription des Français de l'étranger (Amérique centrale et du Sud + Caraïbes), les résultats du premier tour sont d'ores et déjà connus. Alors que pour l'élection présidentielle, Sarkozy avait viré en tête, avant de se faire virer, c'est le candidat Europe Écologie / Parti socialiste qui sort cette fois en tête.

Sergio Coronado (EELV – PS) obtient 35,9% des suffrages. Il est suivi par Pascal Drouhaud (UMP), qui recueille 22,8% des votes. Au Brésil, l'ordre d'arrivée est le même que celui de la circonscription.

La participation étant très faible (15,9%), aucun des candidats n'atteint la limite minimale (12,5% des inscrits) pour pouvoir se présenter au deuxième tour. Par conséquent, Sergio Coronado devrait être déclaré élu.

Que dit la loi ? Seuls les candidats ayant obtenu 12,5% des électeurs inscrits peuvent se maintenir au second tour. Si un seul candidat atteint ce seuil, le candidat ayant obtenu après celui-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second tour. De la même façon, si aucun candidat n'atteint ce seuil, alors ce sont les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour qui restent en lice pour le second tour.

Par conséquent, il y aura bien un second tour, entre Sergio Coronado et Pascal Drouhaud.

24 mai 2012

A voté !

L'heure des élections législatives françaises a sonné. Déjà ! Eh oui, nous autres Français de l'étranger sommes invités à voter électroniquement pour le premier tour depuis le 23 mai. Donc, c'est fait, j'ai ouvert la page de mon bureau de vote, rempli les deux champs demandés (un identifiant personnel, valable pour les deux tours, et un mot de passe, valable pour le premier uniquement), cliqué sur la candidate (un indice !) et validé mon choix. Difficile de faire plus simple. Un seul regret, je n'ai pas entendu mon ordinateur lancer de sa voix de stentor synthétique le « A voté ! » qui ponctuait mon geste citoyen lorsque je déposais mon bulletin dans l'urne métropolitaine – c'était il y a belle lurette ; cela se pratique-t-il encore ?

Il paraît que la confidentialité ne serait pas totalement assurée, les gestionnaires de l'application (une entreprise privée) ayant tout loisir de déchiffrer les votes de chacun. En ce qui me concerne, cela ne me chagrine nullement, les lecteurs de ce blog sachant pertinemment que je ne vote ni pour les fachos, ni pour les zozos de la bande à Copé. Et, grâce à ce qui précède, ils savent que mon vote s'est porté sur une candidate.

Sans doute faudra-t-il revoter. Et, sans aucun doute, faudra-t-il que je choisisse un autre candidat, la mienne ayant peu de chance d'être présente au second tour. L'heureux destinataire de mon vote sera alors probablement Sergio Coronado. J'en profite pour lui signaler qu'il serait bienvenu de traduire sa profession de foi dans toutes les langues officielles parlées dans sa circonscription et pas seulement en castillan, afin d'honorer le principe d'égalité que son parti prétend défendre et, même, remettre à l'honneur. En effet, soit l'on ne traduit pas, au motif que tous les citoyens appelés à cliquer parlent nécessairement français, soit l'on traduit dans toutes les langues, notamment en portugais et en anglais.

23 avril 2012

Le Havre

Tandis que près de la moitié des Français faisaient hier le choix d'une France xénophobe, raciste, repliée sur soi, recuite de haines et de peurs, je suis allé au cinéma. Et j'ai vu Le Havre, celui d'Aki Kaurismäki. Et j'ai vu une autre France, un autre Havre, un havre de fraternité.

Aki Kaurismäki procède par un anachronisme qui nous questionne : la problématique est d'aujourd'hui (la chasse aux clandestins, le rejet de l'étranger), les personnages principaux, nos héros de cœur, se débattent dans un décor de fin des années 50, début des années 60. C'est la France des quartiers dits populaires, la France des gens pauvres – pour appeler un chat un chat – de ces années-là où la solidarité n'était pas un vain mot. Le personnage principal, un cireur de chaussures, a le maintien et la diction d'un aristocrate, mais l'on ne parle pas ici d'une noblesse d'empire ou d'ancien régime, Aki Kaurismäki nous montre ce qu'était alors la noblesse, redisons-le, du cœur.

Cette France a-t-elle été rêvée ou idéalisée par Aki Kaurismäki, cette France a-t-elle vraiment existé ou non ? J'ai, malgré tout, l'impression de l'avoir connue. Le personnage principal s'appelle Marcel Marx. Ce n'est qu'un signe, pas un programme, plutôt un enseignement.

23 mars 2012

Le secret du bonheur

Photo (c) PixeLuz / Francis Juif
Alors que je présentais mardi la ville de Toulouse à un groupe d'une vingtaine de jeunes Brésiliens, j'ai eu l'idée saugrenue de leur demander s'ils avaient vu la veille au soir les reportages traitant de l'attentat contre une école juive toulousaine, diffusés par les principales chaînes de télévision. Pour une fois, en effet, misant peut-être sur le spectaculaire, des journaux télévisés brésiliens avaient consacré quelques minutes à cette tragédie. Mal m'en a pris puisque personne n'avait regardé le Jornal Nacional de l'une ou l'autre chaîne. J'aurais dû me rappeler que l'audience de ces programmes d'information est relativement limitée et l'attention, qui leur est accordée, plus encore.

Ce matin, faisant la route avec T., celui-ci m'a raconté une anecdote similaire qui s'était produite une heure avant. Voulant illustrer son propos sur la corruption, il avait cru pouvoir s'appuyer sur des reportages diffusés par Globo dans son émission Fantástico, qui prétend combiner actualité et légèreté. Très peu avaient vu les dénonciations de cas de corruption dans le cadre de la préparation à la Coupe du monde de football de 2014. Toutefois, une fois le sujet lancé, les personnes de son auditoire n'avaient plus cessé de débattre du sujet, allant même jusqu'à dénoncer à leur tour des cas dont ils disaient avoir connaissance !

C'est le secret du bonheur des Brésiliens, m'a dit T. avant de me laisser chez moi. En ignorant à peu près tout des heurs et malheurs du monde, les Brésiliens cultivent leur jardin et n'en sont que plus insouciants. Je me suis rappelé une enquête d'opinion réalisée récemment dans 158 pays par la FGV (Fundação Getúlio Vargas). C'est au Brésil que l'on se dit, selon cette étude, à la fois le plus satisfait de son sort actuel et le plus optimiste quant aux cinq prochaines années.

Pour ne rien soustraire à ta curiosité, cher lecteur, sache qu'après les Brésiliens, les plus heureux seraient les Panaméens, les Costa-ricains, les Colombiens, les Qatariens, les Suisses et les Danois.

20 mars 2012

Les puissants et nous, les misérables

Eike Batista, septième fortune mondiale, a un fils : Thor. Celui-ci, vingt ans, renverse un cycliste et le tue. Sans attendre la police, ses gardes du corps le soustraient à l'ire des témoins. La voiture, une Mercedes SLR McLaren, d'une valeur de 2,7 millions de reais (un million d'euros et des poussières), a le pare-brise qui a volé en éclats. Elle sera, elle aussi, enlevée, mais avec l'accord de la police, moyennant la promesse que son propriétaire n'entreprendra rien pour la maquiller.

Dans un premier temps, le père de Thor se répand en déclarations et communiqués pour dire que la famille de la victime, Wanderson Pereira da Silva, sera dédommagée. Lors de l'enterrement, les membres de la famille interrogés par des journalistes disent que personne ne les a contactés pour prendre en charge les frais d'inhumation.

Puis cela devient odieux. Eike Batista défend son fils en attaquant Wanderson Pereira da Silva. Celui-ci aurait mis en danger la vie de trois personnes : celle de Thor et de la personne qui l'accompagnait, en particulier. Pensez donc, Wanderson se serait jeté sur la Mercedes, sans doute mu par un désir aussi soudain qu'irrépressible de manifester sa haine des classes supérieures.

Faut-il ajouter que la version des témoins diffère sensiblement de celle du père qui, soit dit en passant, n'était pas présent. Selon eux, le bolide allait beaucoup plus vite que les 110 km/h autorisés. Selon eux, la Mercedes a tenté de doubler un bus. Selon eux, Thor a braqué brutalement, en voyant arriver en face un autre véhicule. Selon eux, Thor a alors perdu le contrôle de son bolide et n'a pas été capable d'éviter l' accotement où circulait le cycliste.

Faut-il ajouter que Thor avait déjà perdu 51 points de son permis ? Faut-il préciser que, une fois 20 points perdus, le permis doit être rendu ? Peut-on croire le pauvre Thor lorsqu'il dit qu'il ignorait avoir perdu des points ? Est-ce que son père cachait les courriers du DETRAN réclamant le paiement des amendes et informant du nombre de points perdus ? La générosité d'un tel père irait si loin qu'il ne saurait être question de gâcher le plaisir d'un fils en lui retirant son joujou.

Une fois n'est pas coutume, je vous donne quelques commentaires de lecteurs de la Folha de São Paulo. « Une fois de plus, dit Ernesto, le coupable est le cycliste qui s'est suicidé. Ce pays, dit Ronaldo, est un pays sans vergogne. Nous savons tous, dit le Padre Marcos Antonio, comment va finir cet acte irresponsable. » En effet, je crains que nous le sachions.

Croyez vous que cela soit mieux en France ? Des puissants y répandent des paroles de haine, désignent à la vindicte populaire les étrangers, les bougnoules et les youpins, les mangeurs de viande halal et de viande casher. Et lorsqu'un esprit faible les écoute et passe à l'acte, ces mêmes puissants versent des larmes de crocodile. Pire encore, certains espèrent tirer un profit électoral du climat de peur qu'ils ont eux-mêmes créé.

Je me souviens de Jean-Paul Sartre disant, à la faveur d'une interview, qu'il était contre la peine de mort, sauf pour les politiques. De peur de me laisser égarer par la colère, je n'en dirai pas plus.

01 février 2012

Rafale : après le B, le I du BRIC

Les peuples ont la mémoire courte, dit-on. Non seulement les peuples, mais aussi les politiques et les journalistes, suis-je tenté d'ajouter. On nous apprend que Dassault aurait enfin réussi à exporter son Rafale. À vrai dire, Dassault est entré en négociation exclusive avec le gouvernement indien pour vendre 126 de ses appareils. Rien ne garantit donc que Dassault ait vraiment réussi à atteindre ce qui, dans son plan stratégique, constitue sans doute son plus important objectif. Mais un petit coup de main au copain Sarkozy, à quelques mois d'une élection qui s'annonce difficile, justifie bien l'optimisme de façade de M. Dassault. En revanche, ce qui étonne, c'est que l'information soit relayée à qui mieux mieux par tous les vecteurs de la presse française. Mais celle-ci a souvent démontré qu'elle est toujours prompte à lancer des cocoricos.

Faut-il rappeler le précédent brésilien ? Faut-il rappeler que c'était, à les croire, dans la poche ? À ce propos, rien n'a été encore décidé, côté brésilien. Et, quitte à jouer les mauvais patriotes ou les rabat-cocorico, je me réjouis que l'investissement prévu ait été reporté sine die, au profit d'investissements certainement plus urgents. Je ne me suis jamais réjoui des succès à l'exportation des fabricants de mort français.

22 décembre 2011

Tribulations d'un intellectuel français au Brésil

Prenez un intellectuel français et suivez mon regard ! Mon regard ? Non, plutôt ma pensée. Soit dit en passant, l'expression « intellectuel français » est quelque peu redondante, car a-t-on déjà vu des intellectuels étasuniens, baloutches ou bavarois ? On me dit que non, que l'intellectuel est forcément français. Admettons... 

Prenons donc un intellectuel français, né en 1939, et invitons-le à répandre sa divine parole à Vitória, loin du lieu où il est né, loin du lieu où il professe. Il accepte avec joie, mais, et c'est normal, y pose gentiment mais fermement quelques conditions bien compréhensibles, eu égard à son grand âge et à sa grande sagesse. 

Si, initialement, un voyage en business class lui convenait, il lui vient à la réflexion, une réflexion dont le poids n'a pas de prix, cela va sans dire, il lui vient donc qu'il lui serait plus confortable de voyager en première classe et, impérativement, avec Air France. 

Sans nul doute, notre intellectuel français est-il, et je l'approuve, sensible à l'air du temps qui veut que les Français consomment avant tout français. Qu'importe alors que la puissance invitante et payante lui ait proposé un vol de la TAM, notre intellectuel en fait une question de principe. De même qu'il laisse entendre, gentiment mais fermement, qu'il ne saurait pousser jusqu'à Vitória, Air France ne desservant pas la capitale capixaba. Ce sera donc aux 150 auditeurs attendus de faire le voyage de Rio ou São Paulo. Mais il est vrai que la divine parole n'a, elle non plus, pas de prix. 

Notre intellectuel imagine-t-il que des réticences puissent se faire jour côté brésilien ? Nullement. Ne lui a-t-on pas répété, ces dernières années, sur les ondes et dans la presse, que le Brésil tenait la forme, économiquement parlant ? Puisque la France périclite et que le Brésil s'enrichit, notre intellectuel est convaincu qu'il fait œuvre d'intérêt patriotique en défendant les parts de marché de l'entreprise France. 

Oui, mais voilà, les Brésiliens qui l'ont invité rechignent à faire l'investissement. Notre intellectuel ne devrait pas croire tout ce que l'on raconte dans les journaux. N'est il pas payé pour le savoir ? Trop tard, cette fois ses vieux os feront l'économie d'un voyage au Brésil.

07 décembre 2011

Manœuvres aériennes dans le ciel brésilien

Plusieurs annonces aujourd’hui. D’abord, la prise de participation de Delta Airlines dans GOL (100 millions de dollars, soit 3% du capital), qui lui donnera un siège au conseil d’administration. Les deux parties espèrent y trouver leur compte, Delta en se plaçant plus facilement sur les marchés sud-américain et caribéen, Gol en facilitant sa présence sur les liaisons entre le Brésil et les États-Unis, ainsi que sur les vols au départ des USA.

Pour Gol, c’est une première riposte à la prochaine fusion de la TAM et de la chilienne LAN, qui fera de la nouvelle compagnie la plus importante de l’Amérique latine.

Crise oblige, le trafic aérien intérieur brésilien voit sa croissance fortement ralentir. Pour compenser, les deux principales compagnies ont décidé d’augmenter leurs tarifs, des tarifs pourtant déjà fort élevés si on les compare à ceux d’autres pays.

Enfin, dans un tout autre coin du ciel, celui occupé par les militaires, c’est le dossier du Rafale qu’on ressort. Le gouvernement français aurait proposé un nouveau deal : si les Brésiliens acceptaient enfin de signer la commande promise, la France — mais qui en France ? — accepterait de nouveaux transferts de technologie pour la construction d’un porte-avions à propulsion nucléaire avec catapultes et brins d'arrêt (en anglais, CATOBAR — Catapult Assisted Take Off Barrier Arrested Recovery), joujou que seuls deux pays possèdent aujourd’hui, les États-Unis et la France.

17 novembre 2011

Où émigrent les Brésiliens ?

Ils sont officiellement 491.645 Brésiliens à vivre à l’étranger. Ces chiffres publiés par l’IBGE s’appuient sur les déclarations faites lors du recensement de 2010. En y repensant, je ne me souviens pas qu’on m’ait demandé combien de personnes de mon foyer ont émigré... Cette petite remarque ne sert qu’à souligner que les familles ayant dans leur totalité tenté l’aventure au loin et laissé fermée à double tour la maison, ne sont pas comptabilisées.

Mais ne faisons pas la fine bouche, cela ne doit pas remettre en cause les proportions par pays. Lequel a les faveurs du plus grand nombre ? Malgré la crise, les États-Unis restent le pays de cocagne pour 23,8% d’entre les Brésiliens. La langue facilitant les choses, vient ensuite le Portugal (13,4%). Le castillan n’étant pas si éloigné du portugais, suit l’Espagne (9,4%). Puis c’est le Japon (7,4%), notamment pour les citoyens de l’État de São Paulo où l’on trouve la plus forte concentration de descendants de Japonais (plus d’un million rien que dans la capitale pauliste). L’Italie a attiré 7% des Brésiliens, pour une large part d’origine italienne. Malgré Sarkozy, ils sont plus de 21.500 à avoir choisi la France (Guyane incluse, où ils sont 3.822), ce qui fait de la bête noire footballistique du Brésil la septième destination.

Par continent, l’Europe arrive largement en tête (252.892), l’Amérique du Nord n’accueillant que 129.940 Brésiliens.

Près de 5 Capixabas sur 1000 ont émigré, ce qui fait proportionnellement de l’Espírito Santo le troisième État le plus quitté pour l’étranger.

09 novembre 2011

Grève dans les services diplomatiques

Le personnel des consulats français et de l’ambassade de France au Brésil sont en grève ce mercredi. Y compris les domestiques de Monsieur l’ambassadeur, nous précise, vacharde, la Folha de São Paulo.

Ces employés (qui, si j’ai bien compris, ne sont pas tous fonctionnaires) réclament des augmentations de salaire pour compenser l’inflation locale. Seront-ils entendus en ces temps de « rigueur » ? J’en doute, mais tiens à afficher ma solidarité, car il est effectivement impossible de maintenir son train de vie au Brésil sans une augmentation d’environ 10% (l’inflation réelle, pour les 12 derniers mois).

18 octobre 2011

François Hollande, grand Uilikandé

« Quand aux environs de 1560, Montaigne rencontra à Rouen trois Indiens brésiliens ramenés par un navigateur, il demanda à l’un d’eux quels étaient les privilèges du chef (il avait dit « le roi ») dans son pays ; et l’indigène, chef lui-même, répondit que c’était marcher le premier à la guerre. Montaigne relata l’histoire dans un célèbre chapitre des Essais en s’émerveillant de cette fière définition. Mais ce fut pour moi un plus grand motif d’étonnement et d’admiration que de recevoir quatre siècles plus tard exactement la même réponse. Les pays civilisés ne témoignent pas d’une égale constance dans leur philosophie politique ! Si frappante qu’elle soit, la formule est moins significative encore que le nom qui sert à désigner le chef dans la langue nambikwara. Uilikandé semble vouloir dire « celui qui unit » ou « celui qui lie ensemble ». »

Grâce à ces quelques phrases extraites des Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss, nous savons maintenant à quelle tradition de la philosophie politique il convient de rattacher Monsieur François Hollande, chef de la tribu socialiste et grand rassembleur qui, depuis dimanche soir, marche le premier à la guerre déclarée contre le roitelet Sarkozy.

Même si, à titre personnel, je ne me fais guère d’illusions quant à la conduite des affaires après une victoire du PS en mai 2012, je souhaite malgré tout à Monsieur Hollande de marcher d’un pas décidé dans sa conquête du pouvoir présidentiel. Cela aura au moins pour bénéfice de nous débarrasser de Sarkozy qu’il est inutile de qualifier outre-mesure.

01 septembre 2011

La fin de l’état de droit en Occident, selon Julian Assange

Julian Assange, le fondateur de Wikileaks, a beau accomplir une peine de prison domiciliaire, il a donné hier une conférence à São Paulo dans le cadre de InfoTrends. Oui, tu l’as compris, amie lectrice, ami lecteur, Julian s’est adressé au public brésilien grâce à une visioconférence.

Ça a été l’occasion pour lui de dénoncer deux journaux avec lesquels il avait passé un accord, le New York Times et le Guardian. Au second, il reproche notamment d’avoir caché à ses lecteurs des informations concernant la corruption du gouvernement bulgare, que le journal était censé traiter actuellement.

Et pour enfoncer le clou, Julian n’a pas hésité à pointer ses accusations au-delà de la presse commerciale : « Les personnes croient qu’il existe un état de droit en Occident. L’état de droit est en train de se déliter. Les fondements des gouvernements occidentaux s’effondrent ».

Les lamentables rebondissements de l’affaire Bettencourt, révélant une fois de plus que les comportements du chef de l’État français et de ses séides s’apparentent chaque jour davantage à ceux qui ont cours dans les républiques bananières, ne font que confirmer le diagnostic fait par Julian Assange.

25 juillet 2011

Baguette Élégance Passion

L’Alliance française de São Paulo fait son festival à partir de ce lundi. Le programme comprend des films, des conférences et des expositions, ainsi que des attractions musicales, du théâtre, de la mode et de la gastronomie. Très bien, la France en a besoin. Le rayonnement, euh, de la culture française plus encore. Et cela semble devoir passer par une nouvelle trinité. Après la trinité chrétienne, après la trinité républicaine — Liberté Égalité Fraternité —, voilà qu’apparaissent au fronton de l’Alliance trois mots qui, mis ensemble, ne laissent pas de m’interroger : Baguette Élégance Passion. Curieux effet que de mettre sur un même pied la baguette, que certes je n’ai nullement l’intention de dénigrer, avec l’élégance et la passion. À moins qu’il ne faille comprendre qu’il est possible de savourer avec élégance et passion le meilleur pain qui soit, français, forcément français. Mais peut-être avez-vous d’autres explications ?

Pour les intéressés, le programme complet se découvre ici.

22 mai 2011

Déjà une semaine

Déjà une semaine que l'affaire DSK occupe la première place des conversations en France, si j'en crois les médias français. À noter qu'ici, au Brésil, personne n'a abordé ce sujet avec moi, sinon mon épouse (qui croit à un coup monté).

Ciel bleu ce matin.

04 janvier 2011

Dilma, Dilma, Dilma...

C’était samedi, Dilma est devenue la première présidente du Brésil. En assistant aux cérémonies devant mon téléviseur, je me suis demandé qui représenterait la France en l’absence de son Énormité.

En attendant d’avoir la réponse, j’ai particulièrement apprécié que Hillary ait succédé à Hugo Chávez à moins que ce ne fût l’inverse. Le protocole réserve parfois de drôles de tours.

Je me suis étonné de l’absence de Cristina K. Étonnant cette absence de cordialité entre femmes présidentes et voisines appelées à se rencontrer souvent, non ?
Et la France dans tout ça ? Eh bien c’est fort logiquement Alain Juppé qui s’y est collé, Rafales obligent.

Avec le meilleur d’entre nous, cette fois aucun doute, le contrat est in the pocket.
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...