Il fut un temps lointain où l’on apprenait les décès par un télégramme ou par un coup de fil ; j’ai eu hier deux exemples où on les apprend en baguenaudant sur Internet, l’un via Facebook, l’autre en consultant une gazette locale en ligne.
Apprendre la mort de quelqu’un de la famille en lisant le journal, non pas à la rubrique nécrologique mais à celle des faits divers, ça fait un tantinet tanguer. Je l’avais pas vu souvent, mais il était venu avec sa compagne, elle aussi trucidée, pousser la chansonnette lors de l’anniversaire de mon épouse. Il avait une belle voix de basse et il chantait juste, le cousin Gustavo.
L’an dernier, alors qu’il accompagnait son père à l’église, celui-ci était mort en chantant et la guitare à la main. Carlos et Gustavo, je me souviendrai de vous comme ça, interprétant les classiques de la MPB.
Hier, cela a donc été le tour de Gustavo. Il ne chantait pas, il était tranquillement attablé à la terrasse d’une essencerie, sirotant une bière avec Mariza, sa compagne, une journaliste. Leur dernière bière, avant celle de l’enterrement.
Un homme s’est approché de Gustavo, lui a demandé de le suivre un peu à l’écart, une discussion a commencé. Inquiète, Mariza s’est levée, elle n’aurait pas dû, ce n’était pas à elle que l’homme s’intéressait. L’homme n’a pas obtenu ce qu’il voulait, il a défouraillé. Une balle dans le cou pour Gustavo, une dans le ventre pour la journaliste. Deux morts laissés sur le carreau de la station-service.
Je me suis demandé s’il fallait que je déballe le linge sale en public, je me suis dit que oui, qu’il n’est pas inutile de rappeler que n’importe qui peut rejoindre les pages — au Brésil, elles sont nombreuses et fournies — des faits divers. Une dette pas remboursée à temps et pan : ad patres.
Je sais que pour la plupart de mes lecteurs, des Franchouilles, cela peut paraître loin. Méfiez-vous tout de même, la drogue fait des ravages dans la région parisienne ou en Ardèche, comme au Brésil. Les statistiques officielles, c’est un ; les destins individuels, c’est deux. Et d’ailleurs, dans un monde où la société du vivre ensemble se délite un peu partout, n’ayons pas la naïveté de croire que les homicides ne se multiplient pas en France, contrairement au Brésil, comme voudraient nous le faire croire Guéant et sa clique au ministère de l’Intérieur. C’est qu’en France, les macchabées gênants des règlements de compte du trafic de dope disparaissent subrepticement au profit d’autres plus médiatiques au goût du public français.
Photo : Francis Juif
Addendum
Dix jours après les deux meurtres, la police a arrêté les assassins, deux hommes et une femme. Les circonstances des assassinats ont été élucidées grâce au témoignage d’une dentiste présente sur les lieux. Plus que des mobiles, drogue et jalousie constituent la toile de fond du crime. Le déroulé détaillé des faits est relaté par le quotidien local A Gazeta. C’est ici.
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