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15 décembre 2006

Laranja

J’ai déjà dit la qualité des services offerts par les banques brésiliennes, leurs vigiles en arme qui trompent leur ennui en tapotant d’un doigt le rythme d’un samba sur leur gâchette, leurs automates alignés par dizaines qui proposent de vous aider à payer vos factures ou de vous imprimer des chèques, leurs files d’attente qui laissent le temps d’engager la conversation. Chacune des visites que j’y fais est l’occasion d’une découverte.

Quelle drôle d’idée a eue ce midi mon épouse d’aller effectuer un virement alors que nous mourions de faim ? La voici qui introduit sa carte bancaire, la ressort, tape son code à six chiffres, la réintroduit pour confirmer, tape un second code de trois lettres, choisit l’opération qu’elle veut effectuer, tape le numéro de compte du bénéficiaire et, je crois n’avoir rien oublié, le montant dont elle souhaite faire l’offrande.

Mal me prend de lui dire qu’elle aurait pu faire ça à la maison. C’est qu’elle n’a pas confiance en Internet. Voilà une conversation que nous avons déjà eu cent fois et qui recommence. Elle s’énerve et, il fallait que ça arrive, l’automate prend la mouche à son tour.

« Le montant dépasse le mouvement autorisé », clignote le gros oeil de la bête. Fichtre, 250 R$ (même pas 100 euros...) et voilà qu’il ne supporte pas ! Qu’à cela ne tienne, nous nous y mettons à deux pour recommencer les manipulations et choisissons de ne virer que 100 R$. Notre ventre attendra. Soulagement, ça passe !

Mais il reste 150 R$ à transférer d’un compte à l’autre. Après deux tentatives supplémentaires de fragmenter la somme, nous nous décidons à entrer dans l’agence. Quelque chose dont nous avons horreur. Il faut vider les poches, le sac à main pour madame, pousser la porte ni trop fort ni trop vite et prendre un ticket.

Je nous sers un café et un verre d’eau. Graças a Deus, nous n’attendons pas longtemps. Une employée se lance dans les opérations. Une fois, deux fois, trois fois. Sans résultat. Pourquoi tant de difficultés ? Elle se le demande comme si on ne lui avait jamais demandé.

Passe le responsable de l’agence. Celui qui sait le pourquoi des choses.
Laranja, lâche-t-il.
Un mot et tout s’éclaire. C’est pour interdire aux pauvres de se transformer en laranja — en prête-nom — qu’il est interdit de virer une somme supérieure à un plafond qui dépend du niveau de revenus du récipiendaire.

Formidable, l’inventivité des bureaucrates brésiliens lorsqu’il s’agit de lutter contre le crime ! Dommage qu’ils aient toujours au moins un coup de retard sur leurs adversaires...

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