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14 novembre 2010

Ville C

Avant la ville C, de mangroves et de forêts avant que (avant que ?), ville C aujourd'hui pas tout à fait encore une ville, ville C sans tout-à-l'égoût mais avec l'électricité, l'eau, le téléphone, le haut-débit d'échange d'informations, ville labyrinthe où les rues escaladent les morros, les dévalent, les remontent à la peine, ville où les maisons en construction permanente s'accrochent aux morros jusqu'à ce que les eaux en colère les emportent, les eaux ou le temps (mais quelle différence ?), ville C où le padre Gabriel est arrivé venant de son Jura natal, son Jura de morros et de plateaux, ville C où aujourd'hui a commencé la construction de la maison de l'association du Padre Gabriel Maire, maison accrochée à un morro entre une rue désormais asphaltée (écho du travail accompli par le padre Gabriel) et un vallon où pousse un palmier, maison qui s'appuie sur des piliers flanqués dans la pente raide, maison où nous attendent Carlinda et Zé Lopes, eux qui les premiers ont accueilli le padre Gabriel venu de son Jura natal, maison de l'association pour que le travail accompli par le padre s'ancre dans ce quartier, avec sa bibliothèque populaire, sa cuisine où venir partager un thermos de café et bavarder, dire les difficultés et trouver les solutions ensemble, ville C où l'on commémorera bientôt le 21ème anniversaire de l'assassinat du padre Gabriel, ville où il ne faisait alors pas bon parler haut et fort, ville C au nom indien, presque-ville de plus en plus ville, de plus en plus urbaine où les violences encore explosent chaque jour - pierres de crack qui explosent à retardement, frustration sexuelles qui explosent quand elles n'en peuvent plus d'avoir été contenues -, ville C où il est possible derrière l'église du padre Gabriel d'apprendre à lire et à écrire dans les salles de formation par le padre mises en chantier à une époque où les autorités faisaient barrage à l'alphabétisation, salles de formation utilisées aujourd'hui encore pour rattraper le retard de ces décennies-là, ville C aujourd'hui mieux gérée, ville C qui sait où elle va, ville C Cariacica, ville C où Carlinda et Zé Lopes ont appris à lire et à écrire tandis qu'ils élevaient leurs dix enfants avec pour seul salaire le salaire minimum de l'époque - stupeur du padre Gabriel qui ne comprenait pas comment l'on pouvait dans ces conditions élever dix enfants ! -, Carlinda et Zé Lopes qui nous ont accueilli chez eux pour boire le café, où nous croisons les enfants devenus grands, certains déjà jeunes grands-parents, où Carlinda nous montre avec fierté l'album photo de sa récente formatura, symbole du chemin parcouru d'abord avec le padre Gabriel, puis le souvenir du padre, la foi en une Église qui serait restée fidèle aux messages du Christ, ville C où prier ne suffit pas, ville christique Cariacica où chaque morro est un Mont des Oliviers.

(Un grand abraço à Beth)

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