Ce titre simplificateur et un chouïa provocateur relève d'un procédé auquel abuse, sans la moindre distanciation, une grande partie de la presse commerciale, un procédé auquel ce blogue ne recourt bien sûr pas, sauf à pointer, comme ici, certaine dérive.
Cela étant posé, venons en à Porto Alegre, puisque s'y déroule cette année encore une rencontre internationale labellisée « Forum social ». L'ancien ministre est Tarso Genro, l'ancien terroriste Cesare Battisti. L'un et l'autre en sont mais, disons-le pour être tout à fait clair, ils n'ont pas fait le voyage ensemble. Ils ne se sont pas même serré la main. L'un était sur l'estrade pour y discourir et dénoncer le « massacre médiatique » dont il se dit avoir été la victime. L'autre était dans le public entre deux séances de signature, puisque son éditeur a considéré que le Forum était le lieu idéal pour y lancer son nouveau livre, intitulé « Au pied du mur », écrit alors qu'il était en prison à Brasília.
Le massacre médiatique aurait été orchestré par un gouvernement corrompu, non pas celui de son camp – cela va de soi, encore que... –, mais celui du sinistre Silvio Berlusconi. Faire porter le chapeau à Berlusconi est certes commode, mais me paraît un peu court quand on sait que la demande d'extradition de Battisti faisait la quasi unanimité en Italie. Qu'importe, le ministre de la Justice d'alors, Tarso, a cru bon recommander de ne pas céder aux injonctions italiennes et il a, à mon humble avis, bien fait.
De quoi je me mêle, me direz-vous, non sans raison. J'ai simplement le souvenir d'un Antonio Bellavita, qui a été emprisonné sous le règne de Giscard puis libéré sous la pression de son successeur. Certes, Antonio n'était pas accusé de crime de sang, mais d'avoir inspiré par ses écrits (Contra Informazione) ceux qui avaient tiré. C'était l'époque trouble des Brigades rouges mais aussi des groupuscules d'extrême-droite se livrant à des attentats non moins meurtriers. C'était une sorte de guerre civile rampante. J'ai le souvenir d'Antonio dans notre cuisine, mangeant sa soupe et faisant la vaisselle, se shootant au bicarbonate de soude pour faciliter la digestion. J'ai le souvenir des flics qui guettaient au bas de l'immeuble de la rue de l'Aqueduc. J'ai le souvenir de bien des conversations sur tous les terrains de la pensée. J'ai le souvenir d'un homme qui n'était déjà plus celui qui avait livré à sa revue des textes incendiaires. Tous ces souvenirs sont bien modestes, je le sais bien, et ne sauraient aider à porter un jugement.
Et Battisti aujourd'hui ? Il n'y a pas de doute qu'il n'est plus celui d'il y a vingt ans. En supposant qu'il ait vraiment du sang sur les mains, est-il indigne d'une rédemption ou, à tout le moins, d'une prescription, d'une amnistie ? Certes, ce serait à la Justice italienne d'en décider. Le fait est que c'est, d'une certaine façon, la Justice brésilienne qui a tranché. Ne sommes-nous point, qu'on le veuille ou non, citoyens du monde ?
Et puis je ne puis pas ne pas penser aux crimes politiques commis au temps des dictatures, notamment en Amérique latine. Des tortionnaires ont souvent été amnistiés ou oubliés. Ils avaient plus de sang sur les mains que bien des « terroristes » de nos démocraties européennes. Il est bien sûr périlleux de faire des comparaisons. Toutefois, les acteurs de l'Histoire ont en commun leur condition d'homme ou de femme, qui les rapproche tous. Seules les circonstances changent et, chaque fois, le regard des vainqueurs.
Cela étant posé, venons en à Porto Alegre, puisque s'y déroule cette année encore une rencontre internationale labellisée « Forum social ». L'ancien ministre est Tarso Genro, l'ancien terroriste Cesare Battisti. L'un et l'autre en sont mais, disons-le pour être tout à fait clair, ils n'ont pas fait le voyage ensemble. Ils ne se sont pas même serré la main. L'un était sur l'estrade pour y discourir et dénoncer le « massacre médiatique » dont il se dit avoir été la victime. L'autre était dans le public entre deux séances de signature, puisque son éditeur a considéré que le Forum était le lieu idéal pour y lancer son nouveau livre, intitulé « Au pied du mur », écrit alors qu'il était en prison à Brasília.
Le massacre médiatique aurait été orchestré par un gouvernement corrompu, non pas celui de son camp – cela va de soi, encore que... –, mais celui du sinistre Silvio Berlusconi. Faire porter le chapeau à Berlusconi est certes commode, mais me paraît un peu court quand on sait que la demande d'extradition de Battisti faisait la quasi unanimité en Italie. Qu'importe, le ministre de la Justice d'alors, Tarso, a cru bon recommander de ne pas céder aux injonctions italiennes et il a, à mon humble avis, bien fait.
De quoi je me mêle, me direz-vous, non sans raison. J'ai simplement le souvenir d'un Antonio Bellavita, qui a été emprisonné sous le règne de Giscard puis libéré sous la pression de son successeur. Certes, Antonio n'était pas accusé de crime de sang, mais d'avoir inspiré par ses écrits (Contra Informazione) ceux qui avaient tiré. C'était l'époque trouble des Brigades rouges mais aussi des groupuscules d'extrême-droite se livrant à des attentats non moins meurtriers. C'était une sorte de guerre civile rampante. J'ai le souvenir d'Antonio dans notre cuisine, mangeant sa soupe et faisant la vaisselle, se shootant au bicarbonate de soude pour faciliter la digestion. J'ai le souvenir des flics qui guettaient au bas de l'immeuble de la rue de l'Aqueduc. J'ai le souvenir de bien des conversations sur tous les terrains de la pensée. J'ai le souvenir d'un homme qui n'était déjà plus celui qui avait livré à sa revue des textes incendiaires. Tous ces souvenirs sont bien modestes, je le sais bien, et ne sauraient aider à porter un jugement.
Et Battisti aujourd'hui ? Il n'y a pas de doute qu'il n'est plus celui d'il y a vingt ans. En supposant qu'il ait vraiment du sang sur les mains, est-il indigne d'une rédemption ou, à tout le moins, d'une prescription, d'une amnistie ? Certes, ce serait à la Justice italienne d'en décider. Le fait est que c'est, d'une certaine façon, la Justice brésilienne qui a tranché. Ne sommes-nous point, qu'on le veuille ou non, citoyens du monde ?
Et puis je ne puis pas ne pas penser aux crimes politiques commis au temps des dictatures, notamment en Amérique latine. Des tortionnaires ont souvent été amnistiés ou oubliés. Ils avaient plus de sang sur les mains que bien des « terroristes » de nos démocraties européennes. Il est bien sûr périlleux de faire des comparaisons. Toutefois, les acteurs de l'Histoire ont en commun leur condition d'homme ou de femme, qui les rapproche tous. Seules les circonstances changent et, chaque fois, le regard des vainqueurs.
Félicitations pour ce billet mesuré, équilibré et dont beaucoup d'Italiens devaient s'inspirer.
RépondreSupprimerToutes les guerres civiles ont pu se conclure de manière relativement apaisée quand une sorte de 'halte au feu' l'a permis. Des types qui en France auraient récolté leurs douze balles en 1945, 1946, 1947 ont coulé ensuite des jours paisibles, et cela participé de la reconstruction nationale (à défaut de la réconciliation: ce concept judéo-chrétien et moi, bof)
Dans l'affaire Battisti, il y a des choses qui posent problème: il a toujours nié et fut jugé par contumace à un moment où ça condamnait à tout va, souvent sans l'ombre d'une preuve tangible. A-t-il tué ou non? Je n'en sais rien... même si j'ai tendance à penser que non (mais mon avis n'a que peu d'importance)
En France, repris il aurait été rejugé dans un contexte apaisé. En Italie, il était bouclé sans autre forme de procès.
(suite)
RépondreSupprimerLa "doctrine Mitterrand" (on accueille les ex brigadistes à condition qu'ils se fassent oublier et qu'ils ne parlent pas de leur passé) était peut être contestable, mais elle engageait la parole de l'état et un état de droit respecte sa parole. Au vu de tous y compris des Italiens, Battisti a été concierge parisien, accessoirement auteur de romans. Soudain, parce qu'il y a conjonction d'intérêts entre deux populistes de droite de part et d'autre de la frontière, on remet en cause cette parole!
Ajoutons à cela que - comble de l'hypocrisie - il est à peu près certain que Battisti a pu quitter le sol français avec des vrais faux papiers donnés par "les services"et on est convaincu que cette affaire pue. Que Battisti se fasse oublier en se fondant dans le creuset brésilien et que les Italiens règlent leurs problèmes actuels au lieu de faire diversion.
Pour mieux cerner la personnalité de Cesare Battisti, je recommande chaudement la lecture de son interview exclusive par notre ami Mehdi, en cliquant sur ce lien.
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