Encore une belle journée qui s’annonce. Il ne pleuvra pas. La météo nous annonce trente-quatre degrés. Le soir, alors que les fatigues se seront accumulées, il ferait bon s’installer à une terrasse. Mais il est peu probable que nous sortions ce soir. Nous sommes à court d'imagination. Et puis l’argent fait défaut. Pour l’heure, j’ai de l’énergie, je vais d’un bon pas, rattrape la plupart de ceux qui me précèdent, fais même quelques foulées pour me tester. La carcasse semble tenir.
Il y a assise sur un banc, à l’ombre, une jeune femme, en chemise et jean gris. Une frêle jeune femme, le visage fermé, que je vois souvent assise là, attendant je ne sais quoi, je ne sais qui. Ses longs cheveux forment une natte rejetée dans son dos. Qu’en sera-t-il d’elle d’ici trente ou quarante ans ? Sans doute sera-t-elle toujours là. Il m’arrive, voyant de jeunes personnes, de les imaginer vieilles, comme il m’arrive de m’imaginer le corps mort, attendant d’être livré au feu ou descendu en terre.
En attendant, je marche avec dans les poches ma carte d’assurance santé et mon portable. Pour le cas où une nouvelle crise viendrait à se produire. Pour faciliter le tri : les hôpitaux gratuits pour tous, sans garantie d’être soigné dans les meilleurs délais ; les cliniques privées parfaitement équipées pour ceux qui ont de quoi payer. Nous n’avons pas beaucoup d’argent, mais nous avons fait de notre santé une priorité. À dire vrai, elle plus que moi.
Nous appartenons à la première génération où la part des dépenses de santé dépasse tous les autres postes de dépense. Est-ce bien raisonnable alors que nous serons bientôt deux cent millions ici, sept milliards sur la planète ? Je me pose la question de temps en temps, mais ce matin, merde, j’ai encore envie de vivre. Un avion, qui vient de contourner la ville, a entamé la procédure d’approche de l’aéroport. Me reviennent les images des voyages qui m’ont amené ici, qui m’ont chaque fois émerveillé : les montagnes environnantes aux formes fantasques, les quartiers que j’ai plaisir à reconnaître, les dizaines de cargos qui attendent de charger, l’île enserrée entre mer et continent, le troisième pont long de trois kilomètres, ceux franchissant le chenal tout petits, la mangrove verte qui résiste encore à l’urbanisation. Il faut voir la région du ciel pour en comprendre l’étrange géographie. Je voudrais être dans cet avion. Il y a maintenant longtemps que nous n’avons pas voyagé. Y aura-t-il encore un autre voyage ?
Photo (c) PixeLuz / Francis Juif |
Des pensées qui s'entremêlent et où le lecteur, parfois se lit...
RépondreSupprimerGB
Bonjour Francis,
RépondreSupprimerJe pensais la même chose. Et puis, tu l'as si bien dit: vivre! Toujours un plaisir que de te lire.
Loula
Je te souhaite d'autres voyages. De ceux qui font renaître.
RépondreSupprimerLorsqu’on arrive dans une contrée nouvelle, le goût de la découverte s’estompe avec la curiosité. Est-ce une métaphore de l’amour ? Je ne saurais y répondre.
Je sais seulement que nous devons relever ce défi jusqu’au dernier souffle.
Celui qui consiste à renouveler sans cesse notre regard sur les choses.
Merci de partager cette expérience.