Avant le concert, on se
pose des questions. Ou pas. Je m'en posais, je me demandais comment
serait reçue Mariana Aydar à Vitória. Une chanteuse qui passe très
rarement à la télé. Même chose à la radio. J'étais curieux de
voir et écouter Mariana, de la voir confrontée à la scène, au
live, au public. Est-ce qu'elle tiendrait la route ?
Pendant le show – comme
on dit ici, influence nord-américaine oblige –, des tas d'idées
ont surgi, des phrases et même des paragraphes à reporter sur le
papier. Ou l'écran. Et puis quelques bières plus loin, une nuit
chargée des échos de la veille et même un déjeuner argentin plus
tard, je me dis qu'il faut que je m'assoie un moment pour tenter
d'écrire quelques lignes sur la dame et ses trois musiciens.
Donc, dans le désordre et
de manière très incomplète, qu'ai-je encore envie de dire ?
Qu'ai-je retenu alors que je digère mon pavé de bœuf de la pampa ?
D'abord que j'ai aimé autrement plus que les mp3 que j'avais écoutés
avant coup. Ce n'est pas vraiment une surprise, la musique ao vivo
est toujours préférable à la musique en conserve. Quitte à ce que
le concert soit un naufrage. Ce qui n'a pas été le cas hier soir,
disons-le tout de suite.
Mariana, enceinte d'une
petite Brisa et en forme et formes, n'a pas peur de montrer ses
jambes et de s'en servir. Il faut bien commencer par quelques chose.
Et ce quelque chose n'est pas rien. Avoir les pieds sur scène vaut
bien avoir les pieds sur terre. Mariana les a. Et efficacement.
Mariana est accompagnée d'un power rock trio, un guitariste
habile du manche à tisser des mélodies dérivant de rythmes
nordestins comme à s'aventurer aux confins psychédéliques à la
Kevin Ayers – in memoriam du moment, dans mon panthéon
intime –, Mariana soutenue par un bassiste construisant les
fondations de toutes les chansons avec son compagnon batteur, l'un et
l'autre puissants et subtils – ce qui n'est pas à la portée de
toutes les sections rythmiques –, précis et sûrs. De cela tu as
déduit, ô lecteur et auditeur des disques de Mariana, que les
arrangements sur scène sont bien différents de ceux figés en
studio, qui sont plus dans la tradition de la MPB et ont permis entre
autres d'inviter Dominguinhos – très malade en ce moment, comme
nous l'a dit Mariana – ou Leci Brandão.
Et le public ? Le
théâtre, certes petit, du SESI était archi-bondé, avec quelques
spectateurs debout dans les escaliers. Et divine surprise, une partie
non négligeable du public reprenant les paroles de la Mariana comme
si elle était une amie de longue date. Un public plutôt jeune –
j'étais le plus vieux, quel privilège ! – et en majorité
féminin – des filles incroyablement jolies dont je me demandais
d'où elles sortaient, que je ne rencontre jamais en ville le jour.
Côté répertoire,
Mariana a puisé dans les trois albums de son patrimoine. Ce qui est
la moindre des choses. Des choses que je ne vais pas détailler.
Simplement, je voudrais m'arrêter un peu sur un titre : Zé
do Caroço. Composé par Leci Brandão, avec qui Mariana a
enregistré dans son premier opus. Une Mariana mille fois
meilleure du Zé do Caroço sur scène que en studio. Et l'on
se prend à rêver ce qu'aurait donné la présence de la
compositrice sur scène, tant l'une et l'autre se complètent, le
phrasé pauliste de Mariana faisant un heureux hiatus – eh oui, le
hiatus heureux existe ! – avec celui de la carioca Leci. Au
point que je ne pouvais m'empêcher de songer à ces propos de Wanda
Jakob, traductrice allemande de romancières brésiliennes
contemporaines :
“As estadias no exterior não são obrigatórias para tradutores, mas certamente ajudam. Pude observar a fala dos cariocas, as cadências, como e quando eles aplicam ironia, agressividade ou doçura. Isso não se encontra nos dicionários”
En un mot, poignant, ce Zé
do Caroço dans la bouche et dans le cœur de Mariana, rendant
justice à la qualité des paroles de Leci, un concentré de clichés
cariocas, forgés dans la sincérité plutôt que dans la vérité
vraie. Poignant, au point que, avouons-le, des larmes ont pointé au
coin de mes yeux fatigués, expression d'une émotion irrépressible.
Allez, je ne me retiens pas, voici les paroles de la chanson :
“No serviço de auto-falante
Do morro do Pau da Bandeira
Quem avisa é o Zé do Caroço
Que amanhã vai fazer alvoroço
Alertando a favela inteiraAí como eu queria que fosse em Mangueira
Que existisse outro Zé do Caroço
Pra falar de uma vez pra esse moço
Carnaval não é esse colosso
Nossa escola é raiz, é madeiraMas é o Morro do Pau da Bandeira
De uma Vila Isabel verdadeira
E o Zé do Caroço trabalha
E o Zé do Caroço batalha
E que malha o preço da feiraE na hora que a televisão brasileira
Destrói toda gente com a sua novela
É que o Zé bota a boca no mundo
Ele faz um discurso profundo
Ele quer ver o bem da favelaEstá nascendo um novo líder
No morro do Pau da Bandeira
Está nascendo um novo líder
No morro do Pau da Bandeira
No morro do Pau da Bandeira
No morro do Pau da BandeiraLelelelê Lelelelelelelelelê
Lelelelê Lelelelelelelelelê”
Cette chanson – tu le
sais, lecteur connaisseur des choses du Brésil – a aussi été
interprétée par Seu Jorge. Une interprétation différente mais
tout aussi poignante. Et tu sais quoi, après Mariana, Seu Jorge l'a
chantée deux heures plus tard sur une autre scène dans un autre
quartier de Vitória. Après Mariana et son power trio, après Seu
Jorge, il y avait encore hier soir le Barão Vermelho, groupe veuf de
son Cazuza, sur une troisième scène, dans un autre quartier. Et
dire qu'il y a de mauvaises langues pour se plaindre qu'il n'y a rien
à se mettre dans les oreilles et les yeux à Vitória !
Merci, je découvre cette chanteuse.
RépondreSupprimerTout le plaisir est pour moi d'aider à faire connaître, Loula.
SupprimerPour ceux qui souhaiteraient découvrir Mariana Aydar, il est possible d'écouter en streaming ses albums sur Deezer, par exemple.
RépondreSupprimerTombée pas hasard sur votre blog.. cela ma fait plaisir à découvrir un français qui habite a ma ville natale...
RépondreSupprimertrès sympa votre blog