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21 février 2012

ArcelorMittal, tentative de comparaison entre les sites de Florange et Tubarão


Depuis hier, lundi 20 février, entre 100 et 200 métallurgistes ont investi les locaux de la direction de l'usine ArcelorMittal de Florange en Moselle. Pour les syndicats, la décision de la direction de ne pas remettre en route la filière liquide à Florange annonce une « mort programmée du site », où travaillent environ 5.000 personnes, dont 3.000 en CDI. Florange serait donc une énième illustration de délocalisations qui ne disent pas toujours leur nom. On connaît la chanson : les délocalisations seraient justifiées par un manque de compétitivité dû à des salaires et des charges trop élevés. Qu'en est-il au juste ?

Ici, sur la presqu'île du Tubarão dans le grand Vitória, est installé un des plus grands sites de la multinationale ArcelorMittal, présente dans 60 pays. De l'entrée du site à son port privé, il y a douze kilomètres, parsemés de bâtiments administratifs et techniques et, bien sûr, de hauts-fourneaux. Sur le site, travaillent un peu moins de 4.600 personnes, soit de ArcelorMittal, soit d'entreprises sous-traitantes.

Quels sont les salaires des employés de ArcelorMittal ? Le salaire fixe plancher est fixé, depuis la grève de novembre 2011 où les métallurgistes ont obtenu une augmentation de 8% (soit 1,5% de plus que l'inflation officielle), à environ 1.800 reais, auquel il faut ajouter, pour les ouvriers, 400 ou 600 reais, selon le type d'horaires, « quatre huit » ou « deux douze ». Les employés bénéficient du 13ème mois et reçoivent chaque année une prime de participation aux résultats. Grosso modo, le revenu minimum, ramené à une base mensuelle, s'élève à l'équivalent de 1.200 euros. En outre, ArcelorMittal rembourse 97% des frais de transport collectif et prend en charge la restauration sur le site et le plan d'assurance santé privé assuré par Unimed, qui a la réputation d'être le meilleur du Brésil. Pour les cadres, brésiliens comme expatriés, les rémunérations sont supérieures à celles de leurs homologues français, et ce d'autant plus que la position dans la hiérarchie est élevée.

Le nombre d'heures de travail maximum est de 44 par semaine, heures supplémentaires non comprises. Cependant, il varie considérablement selon les métiers. Ainsi, la convention collective qui s'applique aux personnes qui saisissent les données qui alimentent le centre de traitement informatique limite à 30 heures la durée hebdomadaire de travail. Les congés sont, au minimum, de quatre semaines par année, hors jours fériés.

Par conséquent, si les salaires mensuels les plus bas ne sont pas très différents de ceux pratiqués en Moselle, le nombre d'heures travaillées semble en revanche plus conséquent. De plus, la comparaison des salaires est biaisée par la forte valorisation du real. Autrement dit, le niveau de vie permis avec 1.200 euros est inférieur au Brésil à ce qu'il est en France. Rappelons, par exemple, qu'une automobile coûte au Brésil près de deux fois ce qu'elle coûte en France.

Ces informations reposent notamment sur le témoignage de personnes travaillant chez ArcelorMittal, ainsi que sur des documents publics. Manque une donnée importante, celle de la productivité. Aux dires d'un ami, cadre sur le site, elle serait l'une des plus élevées du groupe. Est-ce l'effet de l'ufanismo ou est-ce fondé ? Je n'ai pas pu le vérifier.

Malgré les zones d'ombre, il me semble que l'on peut affirmer, sans risque de se tromper, que le choix d'implantation des sites du groupe ne repose pas uniquement sur une priorité donnée aux sites ayant les coûts les plus bas. En France, les articles de presse ayant trait aux délocalisations ne fouillent guère les données micro-économiques et se contentent généralement de reprendre l'idée reçue selon laquelle les délocalisations s'expliqueraient uniquement par un coût de la main d’œuvre et des charges moins élevé. À vrai dire, cela n'est pas étonnant de la part de groupes de la presse commerciale aux mains d'intérêts privés, dont l'objectif premier est de faire pression sur l'opinion publique afin qu'elle admette la nécessité de faire baisser les salaires et les charges patronales. À nous d'exiger des informations de qualité et de privilégier les très rares médias indépendants.

9 commentaires:

  1. Un ouvrier gagne au moins 1600 euros sur le site lorrain, c'est déjà un "handicap".
    Il y en a un autre: au Brésil on a encore pour une très longue durée un minerai de fer d'une qualité exceptionnelle, sans doute la meilleure du monde, et sur place un marché qui se développe de plus en plus, pour acheter le fil, les lingots, les poutrelles, etc.

    Il y a une autre raison, toute psychologique. Sarkozy était en pleine phase maniaque lors de la première crise de l'acier Lorrain (2008) et il a cru que s'emporter et proférer des menaces vulgaires face à un asiatique, c'était la solution: nous sommes nombreux à nous souvenir de cette scène sur le perron de l'Elysée quand, dressé sur ses talonnettes, il a pris un Mittal impavide par les revers de sa veste pour le menacer quasi physiquement, éructant, devant un patron qui ne cessait de sourire.

    Ce jour là, j'ai été persuadé que Mittal fermerait... la vengeance est un plat qui se mange froid et en Inde on ne doit jamais perdre la face. La seule raison qui fait que le site restera en semi hibernation, c'est qu'en cas de fermeture officielle les règlements européens imposent une dépollution totale au groupe (estimation: deux milliards d'euros) faute de quoi il pourrait y avoir embargo sur ses produits

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  2. Benjamin, vous avez mis le doigt sur un argument majeur en faveur d'une présence forte de ArcelorMittal au Brésil : les mines de fer.
    Le site de Tubarão est alimenté par Vale dont les trains en provenance des Minas Gerais sont déchargés au bout de la presqu'île de Tubarão, Vale et AMT se partageant Tubarão. La plus grande part de ce minerai est exportée, en premier lieu et de très loin, vers la Chine. Une part est livrée au voisin AMT.

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  3. Je crois aussi savoir (mais vous me corrigerez si je fais erreur) que Lula a exigé des Chinois que passé les premières concessions, pour la suite, quand elles arriveront à terme, il devra y avoir plus de valeur ajoutée créée sur place, moins d'exportation de minerai brut.

    Et qu'un accord a été trouvé.

    Opportunité de rappeler le scandale absolu que représenta la cession de Vale au secteur privé, pour le prix aussi misérable qui fut proposé.

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  4. À dire vrai, les derniers chiffres publiés montrent que c'est essentiellement le minerai brut qui est encore exporté vers la Chine (919 millions de dollars FOB en janvier). Ce même mois, les produits semi-manufacturés dérivés du fer et l'acier n'ont représenté que 5,9 millions de dollars FOB. Y a pas photo !

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  5. Oui je me suis mal exprimé. IL y a un cycle d'exportation sur un assez long terme, et ce sera pour le suivant

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  6. Où est-ce que vous avez vu qu'un ouvrier de Florange gagne au moins 1600 euros ?

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  7. Sur les sites syndicaux eux mêmes: un ouvrier qualifié gagne ça et ce n'est pas énorme dans une vallée où le chômage de masse sévit (pas de boulot pour la conjointe)

    Noter que le SMIC brut français est à plus de 1300 euros. Donc à 1600 euros, un ouvrier très qualifié (ceux qui bossent en sidérurgie) n'est pa spayé une fortune.

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  8. À noter que les comptes 2011 du site de Tubarão sont dans le rouge. Selon nos informations, les audits effectués ces derniers jours par les "experts" du groupe et des consultants avaient pour but d'élaborer un plan social. À suivre, donc.

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  9. Article très intéressant que je m'empresse de partager. Signe : Un français en escale au Iate Clube de Vitoria.

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