Pire que les délocalisations, il y a les substitutions. Si l'on connaît bien en France
le premier phénomène, on méconnaît le second. Dans le premier
cas, une part de la valeur ajoutée est maintenue au bénéfice de
l'entrepreneur, des actionnaires et de quelques cadres, expatriés ou
non. Dans le second cas, celui de la substitution pure et simple,
tout s'envole. C'est ce
qui se produit en Espírito Santo pour le secteur textile. Non
seulement les emplois sont perdus
au profit des pays asiatiques (Chine, Vietnam, Inde, Thaïlande,
Singapour) et de quelques pays périphériques d'Amérique latine
(Pérou et Colombie), mais le management et la création capixabas
deviennent inutiles, les concurrents étrangers s'en chargeant à bon
compte dans la mesure où la création et la marque, quand elles sont
brésiliennes, ont peu de valeur sur les segments concernés.
Ainsi, en 2011,
près de 200 entreprises du textile de l'Espírito Santo ont fermé
leurs portes et le chiffre d'affaires du secteur a diminué de 40%.
Si rien n'est fait pour enrayer le mouvement, ce sont 10.000 emplois
qui sont menacés cette année. Mais que faire ? La réduction
drastique des charges sociales et patronales n'a eu que peu d'effet.
La diminution de l'impôt sur la circulation des marchandises et les
prestations de services (ICMS), de 17% à 7%, n'a donné guère plus
de résultat. D'autant que les États (Goiás, Paraná, Pernambuco,
Bahias) qui l'ont soit réduit encore plus, soit supprimé, se
trouvent également menacés. Au plan national, l'industrie de la
confection a vu en 2011 son chiffre d'affaires reculé de 14,9%.
Depuis un voyage
d´étude effectué en Chine il y a quelques années, les chefs
d'entreprise capixabas s'attendaient à affronter cette situation.
Ils avaient été alors impressionnés par la différence de
productivité qu'ils expliquaient par la concentration et l'habileté
des petites mains chinoises mais aussi et surtout par la différence
d'organisation, quelque chose qu'ils estimaient impossible à
reproduire au Brésil. « C'est, disait l'un, que le sens de
l'organisation en Chine ne vient pas seulement du haut mais est comme
congénital aux ouvrières elles-mêmes, comme si ça leur était
naturel. » Rien de génétique toutefois, mais sans doute
est-ce la force des traditions industrieuses millénaires qui s'avère
décisive. Que peuvent le jeitinho brésilien et le sens de
l'improvisation contre les manières asiatiques ? Sans doute
tout quand il s'agit de football, mais très peu sur les terrains
industriels. En 2011, les importations brésiliennes de produits
manufacturés en provenance d'Asie ont augmenté de 38%.
Dans le secteur
informel, la situation n'est pas meilleure. Sandra fabrique elle-même
des maillots de bain et des tenues de sport. Une cousine installée
en Floride les réceptionne et s'occupe de les vendre aux clientes,
avant tout latinas, des gymnases locaux, Cubaines, Mexicaines,
Honduriennes qui goûtent le design des bikinis et des justaucorps,
accentué par des couleurs et des motifs agressifs, qui mettent en
valeur les formes rebondies. La crise économique qui touche les
États-Unis lui a fait perdre près de 80% de ses revenus. Sandra a
dû déménager vers un quartier éloigné d'une banlieue de Vitória
et s'installer dans une maison plus petite, qui lui sert aussi
d'atelier. Pendant le temps libéré faute de travail, elle s'active
en prières, allant le dimanche à l'église et sacrifiant, le lundi,
à des rites spirites. « Et si rien n'y fait, me dit-elle avec
un sourire contrit, j'envisagerai une macumba le samedi. »
Il n'y a plus qu'à attendre une augmentation de salaire des chinois !
RépondreSupprimerJe vois que les petits patrons brésiliens ont du répondant. La macumbaisation ;.)