Dans le livre de
leçons de choses de mon enfance, les marsupiaux vivaient en
Australie et exclusivement en Australie. C'était les kangourous et
les koalas, des animaux que l'on nous présentait comme sympathiques.
Et, d'un bond de l'imagination chevillée au ventre, l'on rêvait à
ce monde fantastique, tellement différent de tous les autres
continents. Ce n'est que très récemment, en regardant un
documentaire sur la disparition des dinosaures, que j'ai découvert
que des marsupiaux peuplaient les Amériques et, plus récemment
encore, que l'un d'eux, la cuíca faisait partie des meilleurs
amis de l'homme, du moins de l'un d'eux, un producteur de café qui
leur doit sa bonne fortune.
Vous l'aurez
compris, les cuícas, comme d'autres marsupiaux américains, doivent
leur survie à leur petite taille, qui leur a permis d'échapper à
la catastrophe qui a provoqué l'extinction des dinos, meilleurs amis
des enfants d'aujourd'hui. Et, une fois leur principal prédateur
rayé de la chaîne alimentaire, ils ont enfin proliféré, jusqu'à
aujourd'hui. Les cuícas sont des petits rongeurs arboricoles qui
mesurent tout au plus trente centimètres. Ils constituent depuis
quelques décennies un cas d'espèce qui passionnerait sans doute
Darwin s'il revenait au Brésil et s'y arrêtait en prêtant à sa
faune, humaine comprise, plus d'attention et moins de mépris que
lors de son premier séjour.
Le philander
opossum – c'est son nom savant – est un rongeur facétieux
qui se cache des hommes, au point que certains – des gens des
villes, sans doute jaloux de leurs contemporains des campagnes –
doutent de leur existence. J'en entends déjà qui disent que cet
animal doit son nom commun aux sons qu'il produit, semblables à ceux
de l'instrument de musique homophone. J'en entends même déjà
certains qui vont jusqu'à faire danser le samba à la cuíca... La
cuíca, la vraie, vit notamment dans les montagnes de mon cher
Espírito Santo. C'est un omnivore qui chasse et cueille de
préférence la nuit, ce qui explique que l'on ne se retrouve pas
facilement nez à nez avec lui. Mais nous avons la meilleure preuve
de son existence, grâce à un vice qu'il a acquis il n'y a guère
que quelques minutes, si l'on se place sur l´échelle de l'évolution
des espèces. Car, si l'homme n'a introduit le
café en Espírito Santo qu'à la fin du 19ème siècle ou au début du 20ème, que dire
de l'addiction de la cuíca au café, et plus exactement à la robe
qui entoure les deux noyaux de chaque cerise ?
Non seulement la
cuíca a pris goût à une plante ayant dérivé d'Éthiopie – où
ne semblent pas avoir été à ce jour recensés de lointains cousins
des marsupiaux latinos – jusqu'au Brésil, mais elle a appris à
sélectionner ses meilleures cerises. Cela, nous le savons grâce à
Rogério Lemke, administrateur d'une plantation de 120.000 pieds, du
côté de Pedra Azul, la pierre miraculeuse de l'Espírito Santo qui
attire les touristes du monde entier, cette pierre aux reflets
bleutés qu'escalade un lézard pétrifié par la curiosité des
hommes et, qui sait, des cuícas.
Que lui
trouvent-elles de bon au café, nos amies les cuícas ? Le miel
de la peau et de la pulpe qui enrobent les deux noyaux ont leur
faveur. Insensibles ou réfractaires aux vertus attribuées à tort
ou à raison à la caféine, elles délaissent les noyaux. Et comme
elles pratiquent la cueillette sélective, elles laissent au sol les
meilleurs grains de café, au meilleur de leur maturité, pour le
plus grand bonheur de Henrique Sloper, le propriétaire carioca de la
plantation, qui n'a qu'à se baisser pour ramasser l'or des efforts
de Rogério.
Le sieur Sloper
envisage de commercialiser cette sélection de cafés rongés par les
cuícas à partir du mois de novembre. Il a déjà fixé le prix du
kilogramme : ce sera 900 reais, pas loin de 400 euros. Cela les
vaut-il ? Peut-être pas si l'on faisait une dégustation à
l'aveugle. Mais ce n'est pas seulement l'arôme du café, son goût
des plus subtils et ses propriétés physiologiques que l'amateur
paiera, ce sera aussi une belle histoire que devront savoir conter
les garçons de café, avant-derniers maillons d'une filière où
devrait revenir à la cuíca la part la plus belle.
Ce ne sera pas pour
autant le café le plus cher au monde. Un autre processus, où entre
en jeu un autre animal, porte le prix du petit noir à des hauteurs
plus exorbitantes encore, en la lointaine Indonésie. Mais c'est une
autre histoire qu'un blogueur installé en Indonésie a sans doute
déjà contée par ailleurs.
Bonjour Francis ! J'ai beaucoup aimé ton texte sur le sujet très bien traité avec humour du Cuica.
RépondreSupprimerActuellement après voir pris un mauvais coup de froid, je reste bloqué à la maison... Rires. Sois tranquille ce n'est que temporaire ! A très bientôt cher ami. Amicalement.
RépondreSupprimerJ'ai bien ri moi aussi!
RépondreSupprimerSinon, je savais (pour mon malheur) que des marsupiaux sévissaient en Amérique latine pour avoir subi leurs assauts répétés dans ma maison de Guyane (une fente et ils s'infiltrent ) où pour manger (un peu) ils dévastaient (beaucoup). Là-bas on les nomme "pians" et les Haïtiens les mangent (grand bien leur fasse)
juste un petit moyen pour vous signaler que je sévis de nouveau sur la blogosphère, et plutôt deux fois qu'une, même si vous pourrez constater que la nouvelle formule est plus allégée. Les nouvelles adresse :
RépondreSupprimer- La semaine de Leunamme : un seul billet par semaine, une sorte de commentaire de l'actualité de la semaine.
- Polarock : selon mes envies, des petits billets sur les disques et les romans policiers que j'aime.
En espérant vous y retrouver nombreux.
Leunamme
Rien n avoir avec ce que je recherche
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