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09 juillet 2019

Vanessa Paradis

J’ai rencontré Vanessa Paradis par hasard. Vanessa Paradis n’aimait pas Vanessa Paradis. Son filet de voix était, disait-elle, le résultat d’une intelligence artificielle appliquée à l’orthophonie. Quant à son jeu d’actrice, il ne lui inspirait que mépris, puisqu’elle se disait capable de jouer ô combien mieux la comédie. Elle ajoutait qu’elle, contrairement à son homonyme, ne cessait de jouer la comédie chaque jour que le bon dieu et le mauvais diable faisaient. Et ce dans la vraie vie.
J’ai regardé Vanessa Paradis avec circonspection. Se moquait-elle de moi ? Elle m’a souri et elle a cru bon me préciser qu’elle était la vraie Vanessa Paradis, que l’autre n’était qu’un personnage de fiction, qu’on n’entendait qu’à la radio et qu’on ne voyait que sur les écrans de télévision et de cinéma.
Sur ce dernier point, je ne pouvais être que d’accord. Et d’ailleurs l’autre ne me disait pas grand-chose. J’avais certes déjà entendu Joe le taxi, mais je n’avais jamais vraiment écouté le texte de cette chanson. Joe le taxi était un personnage de fiction auquel faisait allusion une chanteuse de fiction. Quant à l’actrice, j’avais du mal à faire venir son image d’un recoin de ma mémoire. J’avais en tête deux ou trois attributs : une fille mince, presque anorexique, des cheveux blondasses, peut-être des yeux perdus dans le vague.
Tandis que la Vanessa Paradis qui me faisait face, c’était autre chose. Sa chevelure rousse de feu, son regard mutin, ses formes généreuses, tout cela me parlait. Me troublait. Je l’écoutais avec plaisir me raconter des histoires à dormir debout. Mais qu’importait ! J’étais sous le charme. D’ailleurs elle m’avait prévenu, elle jouait la comédie chaque seconde de sa vie. Je pouvais bien sourire à ses récits faits de bric et de broc, je ne demandais que ça.
Je n’avais pas à parler de moi, elle faisait la conversation. Son dernier voyage au Mexique n’aurait rien eu à envier d’un épisode de Game of Thrones. Carrément. Les Toltèques et leur civilisation des plus avancées se substituaient aux barbares du Moyen-Âge européen. Et Vanessa avait accompli là une sorte de voyage dans l’espace-temps dont j’avais toujours rêvé. Vanessa s’était laissé séduire par l’héritier fauché d’une dynastie amérindienne qu’elle avait suivi au cœur de la jungle, elle avait pris place dans un avion sans aile qui s’était posé en catastrophe sur un fleuve comme un vulgaire Boeing sur la rivière Hudson, elle avait été enlevée par le nègre d’un auteur mexicain à succès, elle s’était enfuie en lui faisant croire qu’elle pourrait devenir sa traductrice, j’en passe et de toutes les couleurs et textures. Bref, Vanessa Paradis, c’était l’incarnation d’une femme que j’avais toujours rêvé de connaître sans jamais me l’avouer : intelligente, jolie, imaginative, sensuelle, voire provocante.
J’ai sursauté quand la serveuse est venue poser sur notre table notre troisième spritz. Ou quatrième, allez savoir. J’ai fixé Vanessa Paradis d’une façon nouvelle, un peu décalée. Comme si je sortais d’un rêve à dormir debout et revenais à la réalité. Elle m’a souri de son sourire très spécial, un peu badin, un peu coquin. Et elle a voulu connaître mes intentions. Mes intentions ? J’ai failli sursauter une nouvelle fois. Vanessa Paradis a levé les yeux au ciel. Et elle m’a sorti que j’avais l’air con.

2 commentaires:

  1. La morale serait elle: "on a l'air con lorsque nous rencontrons le Paradis? " ou "l'Enfer est il plus accessible?"...A moins que Vanessa ne soit qu'une image ? Merci pour cette belle rencontre aux nombreux paradoxes.

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  2. Il faudra que je demande son avis au narrateur. Mais nous savons depuis Jean-Sol Partre que l'Enfer c'est les autres, ce qui explique peut-être le prix à payer quand on rencontre (la) Paradis.

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